Politique
L’image qui faisait le tour du monde
31.03.2005
Exhibition, dégradation… émotion, fascination : chacun choisira les mots qui lui conviennent mais le spectacle était pathétique ce dimanche de Pâques à Rome. Oui, le spectacle car il faut bien se résoudre à cette dimension de la représentation que même l’Eglise a désormais adoptée. L’image d’un homme, n’arrachant plus une parole de sa bouche, exhalant un râle amplifié par les hauts parleurs de la Place Saint Pierre : comme une agonie télévisée en direct. Jean Paul II incapable de prononcer la bénédiction pascale. Le Pape offert comme une marionnette grimaçante. Les commentateurs de télévision ne s’y sont pas trompés: «cette image va faire le tour du monde» disaient-ils en chœur, certains de l’effet et comblés de ne pas manquer ce grand moment d’audimat. Jean Paul II a toujours été un pape médiatique. Jamais avant son pontificat le Vatican n’avait été aussi soucieux de stratégie de communication. L’Eglise a bien compris la nécessité et les avantages d’une bonne médiatisation mais, pas plus que d’autres institutions elle n’a su échapper à l’hypertrophie médiatique et son cortège de dérives. Depuis la nouvelle dégradation de l’état de santé du souverain pontife, une scénographie progressive s’est mise en place: des enregistrements de la voix de Jean-Paul II diffusé depuis sa chambre d’hôpital jusqu’aux apparitions muettes et torturées du week-end pascal. Certes Jean-Paul II revendique «d’offrir ses souffrances pour que le dessein de Dieu s’accomplisse» et il s’inscrit dans la logique de sa conception de la vie défendue tout au long de son pontificat. Personne ne met en doute le courage et la force d’âme du chef de l’Eglise catholique. Mais est-ce bien lui qui décide encore de cette image ou son entourage a-t-il pris en main la représentation de cette souffrance? La question est d‘importance mais moins que le sens qu’elle dégage et les buts qu’elle poursuit. L’Eglise du XXIe siècle doit-elle se résumer à la souffrance comme valeur absolue? La compassion qui envahit désormais tous les discours, y compris hors du religieux, est-elle désormais l’horizon indépassable de la pensée? L’acharnement médiatique et la surexposition d’une fin de vie, fut-elle pontificale, sont certes dans l’air du temps. Il n’est pas certain, au bout du compte, qu’elles rencontrent ce qu’elles sont censés nous montrer, c’est-à-dire précisément la dignité de l’homme et le respect de la vie.