Politique
À propos de René De Schutter
17.03.2005
Quelques lignes, quelques mots, un peu plus que le silence, un peu moins que l’ignorance, peu de choses pour annoncer la mort d’un homme. Bien trop peu pour évoquer la personnalité de René De Schutter qui vient de disparaître. Son nom avait parcouru les médias dans les années 70 quand il dirigeait la Régionale de Bruxelles de la FGTB et qu’il avait été parmi les tout premiers à permettre l’organisation des travailleurs immigrés et lutter pour leur statut, leurs droits, leurs accès au savoir, pour l’égalité fondamentalement. René De Schutter était un syndicaliste d’un genre particulier, préservant avant tout l’autonomie du syndicat mais refusant aussi, ce qui est plus exceptionnel, de séparer la pensée de l’action. De Schutter avait travaillé avec André Renard, il avait publié de nombreuses analyses et réflexions parfois à caractère théorique sur le rôle et les objectifs d’un syndicat dans une société capitaliste. Plus tard, à la fin des années 70, écarté brutalement des fonctions syndicales, il avait retrouvé sa vocation d’économiste et avait été l’un des fondateurs, son âme en quelque sorte, du GRESEA, le Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative. Chercheurs, syndicalistes et militants tiers-mondistes s’associaient pour dessiner les contours de ce que l’on n’appelait pas encore l’alter mondialisme. C’était des précurseurs. À la base l’action et de la pensée de René De Schutter, il y a toujours une source d’inspiration primordiale: les pratiques et les textes de la gauche italienne, héritière du PCI. En exergue d’une anthologie qu’il leur avait consacré, il rappelait cette interrogation qui perçait déjà dans les années 90: «Comment faire fonctionner un mécanisme complexe, celui d’une société industrielle avancée en train de passer de la domination du machinisme à la domination de l’informatique, en préservant l’axe central de toute politique de gauche, à savoir la prééminence des objectifs de solidarité et d’égalité». René De Schutter est toujours resté fidèle à cette recherche à la fois intellectuelle et politique et qu’il résumait, empruntant encore une fois à ses amis italiens, en saluant «la bella politica», la belle politique.