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Responsabilité médiatique

Les médias seraient-ils finalement le seul pouvoir irresponsable, celui qui à l’inverse de tous les autres n’a de compte à rendre à personne, celui qui au-dessus tous les autres autoproclame sa légitimité en échappant aux règles de base de la vie collective en démocratie? On peut se poser la question. En 1996, Vincent Magos, directeur de l’Agence de prévention du sida, fut accusé publiquement de malversations. Immédiatement ces accusations sont répercutées et amplifiées par la presse avec la marque du sensationnalisme que pouvaient impliquer tant le contexte que certaines pratiques médiatiques. Très rapidement une enquête administrative le dédouanait de ces accusations. Neuf ans plus tard — neuf ans! — l’enquête pénale a confirmé, la semaine dernière, ce verdict par un non-lieu. Pendant ces neuf années Vincent Magos a gardé le silence considérant que le lieu du débat était le palais de justice. Aujourd’hui il parle. Avec sobriété et pudeur, il rappelle les humiliations et la souffrance dont il a été la victime et que nous avons oubliées, négligées ou même parfois contribué, consciemment ou non, à provoquer ou à entretenir. Il rappelle les dégâts à l’action de son équipe dans la lutte contre le Sida. Vincent Magos a été victime d’un lynchage médiatique. C’est un journalisme de meute confondant investigation et inquisition qui, à de rares exceptions, a nourri la presse, tous médias confondus, y compris ceux du service public. Et, bien entendu la confirmation de son innocence n’a pas eu la même répercussion médiatique. Vincent Magos ne demande pas une réparation personnelle. Il souhaite dépasser son cas individuel pour poser des questions de principe sur le système médiatique, pour qu’une réflexion de fond réponde enfin à la nécessité d’une régulation. Pour que, d’une certaine manière, les médias ne soient plus intouchables. Son cas n’est pas isolé. On ne répare jamais les torts causés par ces dérives aux causes multiples dont la concurrence et la pression du marché ne sont pas les moindres. Mais on peut, on doit répondre à l’exigence de ce qu’il appelle «un retour à la civilité». Pour lui et pour nous.