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Les suites de la solidarité

L’élan de solidarité mondiale exprimé ces dernières semaines mérite un prolongement non seulement de la générosité à l’égard des peuples victimes de la catastrophe mais aussi de la réflexion globale sur l’état du monde. Prise de conscience ou feu de paille? Mauvaise conscience ou questionnement réel? Les interrogations sont nombreuses. Interrogations sur l’information et l’information télévisée d’abord, puisque c’est elle qui a provoqué le choc et la première mobilisation. «Informer, c’est donner de la forme dans la chaos. Et là, on n’a pas donné de la forme. On a donné du sentiment» disait à ce propos Rony Brauman, pionnier de l’humanitaire contemporain qui fustigeait ainsi la confusion des genres. Interrogations sur le cynisme des Etats et des institutions internationales qui se sont limités à un moratoire sur la dette des pays touchés, ce qui ne modifie en rien ni le remboursement ni la poursuite des intérêts et ne laisse donc en fin de compte aucune marge de manœuvre aux Etats mais leur impose d’autres obligations. Interrogations encore sur la réalité des engagements internationaux. « Les pays riches ont pris l’habitude de faire de gentils communiqués sans passer aux actes », faisait remarquer un responsable de l’ONU, chargé de la lutte contre la pauvreté mondiale. Entre les promesses annoncées et les engagements réels, le fossé est immense. Passé l’émotion du moment et l’intérêt médiatique, il n’est pas rare que les soutiens proclamés restent essentiellement des effets d’annonce. Et puis il y a le silence qui entoure les 14 crises oubliées et répertoriées par l’ONU en 2004, 26 millions de personnes concernées pour qui les fonds vitaux n’arrivent pas, faute d’engagements des pays riches. Maintenant que la vague mortelle s’est retirée, il demeure une question essentielle: comment passer de la solidarité matérielle à la solidarité politique? En fin de compte la réponse que nous donnerons à cette question façonnera une bonne part de l’avenir du monde.