Politique
Parfois les valeurs…
09.09.2004
Cela peut paraître dérisoire, vain même. Et pourtant parfois les mots, ceux qui incarnent des valeurs démocratiques peuvent triompher de la violence, y compris quand elle prend l’un de ses formes les plus barbares comme celle du terrorisme. L’enlèvement des deux journalistes français, Georges Malbruno et Christian Chesnot dont on attend toujours la libération a eu, de ce point de vue, des effets totalement opposés aux objectifs premiers des ravisseurs. En exigeant l’abrogation de la loi sur le voile qui avait profondément divisé la société française, ceux-ci espéraient provoquer des fractures au sein des musulmans français et raviver un débat dévastateur. Il n’en a rien été. Au contraire cet événement, quelle que soit son issue, marquera une date dans l’intégration et la reconnaissance de la communauté musulmane en France. Par ses déclarations comme par ses actes, notamment lors du voyage de sa délégation à Bagdad, cette communauté a fait preuve d’une maturité politique et d’un sens de la solidarité nationale que bien des autorités de toutes sortes devraient leur envier. Au nom de la République et de ses valeurs revendiquées et face à l‘idéologie de la destruction, les dirigeants de l’Islam de France, toutes tendances confondues, ont évidemment exigé la libération des otages mais ils ont aussi assumé l’existence d’une loi qu’ils ne souhaitaient pas et qu’ils combattaient. Du même coup, ils en ont d’ailleurs relativisé la portée en resituant les enjeux fondamentaux de la cohabitation au sein d’une communauté nationale multiculturelle. Vendredi dernier lors d’une prière nationale, le principal Iman d’une tendance plutôt radicale de l’Islam français a eu ces mots: «nous n’allons pas mettre sur un même pied d’égalité le droit à la vie des otages et le droit à porter le foulard. C’est le droit à la vie qui prime. En ce qui concerne le foulard, nous maintenons que les conflits peuvent être résolus par le dialogue, la patience, la compréhension réciproque. Mais le problème numéro un aujourd’hui, c’est le droit à la vie.» Cette leçon de solidarité et de tolérance marquera une page dans l’histoire de l’Islam occidental.