Politique
À quand, enfin, un statut humanitaire ?
06.08.2003
Pour le coordinateur de l’Observatoire des migrations, Henri Goldman, il faut pouvoir accorder une protection humanitaire pour de courtes périodes. Ce qui permettrait de régler des situations collectives. Comme celle des Afghans…
À l’Observatoire des migrations, créé au sein du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, on suit de près l’occupation de l’église Sainte-Croix par des demandeurs d’asile afghans. Pour son coordinateur, Henri Goldman, une nouvelle médiation, «crédible des deux côtés» — autorités belges et Afghans — est nécessaire, dans une procédure d’«écoute réciproque». L’Observatoire des migrations pourrait-il jouer le médiateur, comme le demandent les associations de défense des réfugiés? Il me semble. On a le double avantage d’être un service public autonome — offrant ainsi toutes les garanties de ne pas être un petit lobby extrémiste — et de représenter tous les courants politiques à l’exception de l’extrême droite. Par ailleurs, la loi nous impose d’être prioritairement attentifs aux droits fondamentaux des étrangers. Que dites-vous aux Afghans qui observent la grève de la faim? Nous avons été présents dans l’église depuis le début pour donner une image un peu différente d’un service fédéral. On les accompagne; on ne les encourage évidemment pas, ni l’inverse, parce qu’on les respecte. On leur a aussi expliqué que se braquer sur une solution collective ne mènerait à rien. Plusieurs médiations ont déjà échoué: comment convaincre les grévistes d’arrêter leur action? Je ne vais pas, pour l’instant, avancer de solutions techniques. Si jamais on nous confiait le rôle de médiation, on doit laisser de l’espace à celle-ci. Le Centre pour l’égalité des chances défend depuis longtemps des positions: on estime par exemple que la campagne de régularisation des sans-papiers a vraiment été une avancée. On a toujours souhaité que l’esprit de la commission de régularisation se retrouve dans l’examen des dossiers des illégaux et autres déboutés. Peut-être même via des instances de recours. Mais il n’y a pas une ligne là-dessus dans l’accord gouvernemental… C’est vrai, mais on a ce bagage de la régularisation derrière nous. On doit réévaluer les situations individuelles et repréciser quelles sont les instances qui décideront de l’appréciation de la situation en Afghanistan. C’est au Commissaire général aux réfugiés que le ministre de l’Intérieur, Patrick Dewael, a demandé un nouveau rapport pour le printemps 2004. Quand on entend l’aplomb avec lequel Pascal Smet déclare que la situation en Afghanistan est suffisamment sûre, alors que toutes les associations internationales sérieuses et l’Onu elle-même disent plutôt l’inverse… Que cette personne, qui a un avis aussi décalé par rapport à la moyenne des points de vue autorisés, soit chargée de dire en février si la sécurité est assurée en Afghanistan, c’est un peu difficile à faire admettre. Il faudrait peut-être que les autorités politiques prennent leurs responsabilités. Le ministre a accepté de reporter de plusieurs mois l’expulsion des Afghans. Oui, mais avec une sorte de contradiction: si la Belgique ne les renvoie pas dès aujourd’hui, ce n’est pas pour un problème d’insécurité sur place, mais parce que le programme d’aide au retour n’est pas prêt! Je pense que les autorités ont voulu lâcher un peu de lest sans dire que c’était parce que la situation n’était pas sûre. Vous réclamez un statut humanitaire pour les Afghans. Mais il n’existe aucune base légale pour l’accorder… On a besoin, d’urgence, à côté de la Convention de Genève qui ne peut régir que les demandes d’asile individuelles, d’un système pour régler des situations collectives pour les ressortissants de pays en guerre, gravement déstabilisés, etc. Ces personnes obtiendraient une protection humanitaire pour une durée courte (un an), éventuellement renouvelable. Au bout de 3 ans, elles pourraient demander une régularisation définitive. En adoptant seule un tel système, la Belgique ne risque-t-elle pas de créer un appel d’air? C’est un problème. Mais je plaide vraiment pour que la Belgique avance et, simultanément, fasse pression pour que le dossier progresse au niveau européen.