Politique
Intérêt général
12.09.2011
Marx l’avait déjà souligné en son temps dans L’idéologie allemande : « Toute classe qui aspire à la domination doit conquérir d’abord le pouvoir politique pour représenter à son tour son intérêt propre comme étant l’intérêt général ». La mise en exergue du registre individuel et des identités culturelles ou religieuses au détriment des références de classe permet d’occulter la visibilité des conflits sociaux dans l’espace public et d’imposer aux dominés les catégories de pensée des dominants à l’encontre de leurs propres intérêts. Cette nouvelle configuration de l’intérêt général ne permet pas de faire l’économie de la violence brutale, pas seulement symbolique, ainsi qu’on peut le voir dans la répression exercée dans les villes européennes contre les manifestants, les grévistes et les « émeutiers » d’Athènes à Londres. Comme la crise financière l’a révélé en 2008, dans ce nouveau régime capitaliste, la gestion publique se fonde sur l’interpénétration entre l’État et le monde des affaires. Il revient alors à l’État de libérer les forces économiques des « rigidités » inhérentes au contrôle politique. La « gestionnarisation de la société » et la violence qui l’accompagne sont décrites de manière saisissante par Dominique Manotti et Doa dans un polar à couper le souffle. Celui-ci met en scène « la révolution silencieuse » qui réside dans « la confusion totale des genres entre les sphères dirigeantes des grandes entreprises et le bien public » D. Manotti et DOA, L’honorable société, Série Noire, Gallimard, 2011, p. 300. La citation de Marx reprise ci-dessus y est mise en exergue. Lorsque « l’honorable société » réduit le système démocratique au seul processus électoral, elle peut gouverner à la place et sans la perturbation des gouvernés et dicter ses intérêts particuliers comme autant de manifestations de l’intérêt général.