Politique
Insécurité
21.03.2012
Insécurité. La police de Schaerbeek, comme d’autres polices d’ailleurs, n’avait pas attendu les élections présidentielles françaises pour effectuer des opérations musclées dans « les quartiers ». Comme il sied à l’air du temps, l’une ou l’autre chaîne privée accompagne ces tournées pour nous alimenter en infos. Le hasard voulut que l’incident tant attendu par les « journalistes » se produise précisément peu après le deuxième tour de l’élection présidentielle. Il aura sans doute suffit qu’un jeune proteste : Pourquoi la caméra accompagne-t-elle la police ? Sommes nous des bêtes curieuses ? Ensuite, quelques cris, quolibets et noms d’oiseaux fusent du groupe de jeunes. Le contrôle d’identité suit comme d’habitude, accompagné de fuites et bousculades. Quelques jeunes sont appréhendés au terme de l’exercice. Jusqu’ici rien d’inhabituel. A présent interviennent la campagne sécuritaire des élections françaises et les prises de position musclées récentes de notre Ministre de la Justice, M.Marc Verwilghen. Tirant sans doute la leçon de l’une et de l’autre dans le « fait divers » que nous venons de relater, la juge d’instruction délivra sans rechigner les mandats d’arrêt à l’encontre des jeunes appréhendés cette nuit-là à Schaerbeek. Qu’importe s’ils risquaient de perdre leur emploi suite à leur incarcération pour une affaire somme toute banale ? Fini avec l’angélisme qui avait prévalu jusque là. Même Lionel Jospin ne s’est-il pas excusé à propos de l’insécurité « d’avoir pêché par naiveté » ? C’est désormais une évidence : la sécurité doit primer sut toute autre considération. Instruite par la campagne électorale en France, la juge apostrophera dans son mandat d’arrêt « la bande de nord-africains » qui stationnait de manière répétée sur le trottoir et qui constituait, pour avoir règné face à un contrôle musclé non justifié, une « atteinte gravissime à la sécurité ». Indubitablement, selon la juge d’instruction, il s’agissait là d’une « menace à l’égard de notre régime démocratique », à laquelle l’incarcération des coupables devait sans doute mettre fin. Ce n’est que quelques jours plus tard qu’un vieux raciste qui passait son temps à lâcher son chien contre ses voisins dont il trouvait la peau trop basanée, désespéré par la défaite de Le Pen et armé de son fusil, assassinera ses voisins, un couple d’origine marocaine, et blessera deux de leurs enfants. La police de Schaerbeek qui avait fait preuve d’un zèle habituel vis-à-vis de « la bande de nord-africain » (il devrait s’agir d’une erreur judiciaire puisque les personnes arrêtées sont belges et nées dans le quartier, à moins qu’elles ne se voient attribuer une origine au faciès ?), a manqué, d’après les témoignages recueillis, de sa prestance légendaire et est intervenue dans la grande confusion. Il fallut que des voisins, outrepassent les consignes de prudence de la police, prêtent secours aux enfants et les évacuent, de manière à les préserver du sort tragique qu’avaient subi leurs parents. Donner la priorité à la sécurité signifie, comme nous venons de le voir, l’intensification de l’action policière focalisée sur les jeunes d’origine immigrée. Après les avoir stigmatisés comme « criminel des quartiers », il faudra encore accélérer les procédures judiciaires, recourir à la détention des adultes comme des mineurs et accroître les moyens de la justice. La tolérance 0, comme le fait remarquer Loïc Wacquant., « Sur quelques contes sécuritaires venus d’Amérique », Le Monde diplomatique, mai 2002 Substitue aux contrôles au commissariat, la détention prolongée. Elle établit une équivalence entre agir hors normes et être hors la loi. Le « tout sécuritaire » oublie cependant que la prison constitue le lieu criminogène par excellence et qu’elle produit et aggrave la délinquance. Se pourrait-il que ceux que l’on présente comme dangereux soient en danger ? Revenons à la France. Peu de gens ont remarqué, au premier tour des présidentielles, que l’ensemble des « petits » candidats (Laguiller, Mamère, Besancenot, Hue, Taubira et Gluckstein) qui n’avaient fait aucune concession à la démagogie sécuritaire avaient obtenu, avec plus de 20% des voix, un meilleur score que chacun des « grands » candidats.