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Unilever et Nestlé sont plus contre les agrocarburants que nous !», s’exclamait Claude Thurmes, député vert européen, lors d’une conférence organisée par Écolo au Parlement fédéral belge en mai dernier. Si Unilever a retourné sa veste et depuis reçu les félicitations de Greenpeace pour son engagement dans le cadre de la table ronde pour une huile de palme durable, Nestlé a lancé une véritable croisade contre les agrocarburants. Le patron de Nestlé, lors de plusieurs sorties médiatiques émouvantes, a attaqué de front les agrocarburants. «Accorder d’énormes subventions pour les produire est inacceptable moralement et irresponsable», faisant référence aux risques pour la sécurité alimentaire de centaines de millions d’être humains. Le rôle des agrocarburants dans la montée des prix des céréales, qu’utilise ce géant de l’agroalimentaire, sont plus certainement au cœur des raisons qui le pousse à prendre, une fois n’est pas coutume, la défense des consommateurs les plus vulnérables. «
De plus en plus d’industriels de la pétrochimie se lancent dans cette filière, se disant que c’est un tremplin pour la suite, lorsqu’on aura plus assez de pétrole», remarque Erwan Marjo, d’Inter-Environnement Bruxelles. Total, Shell, Petrobrass ont développé des projets pilotes dans le domaine, même s’ils seront plutôt amenés à acheter les matières premières ou les produits transformés à d’autres. Selon Oxfam-Grande Bretagne dans sa note d’orientation «Une autre vérité qui dérange» publiée en juin 2008, le Brésil, par exemple, connaît un «déluge d’investissements». «
Les géants de l’agroalimentaire comme Cargill, Bunge, ADM et Louis Dreyfus y sont présents, mais également des investisseurs financiers comme Goldman Sachs, Merrill Lynch, George Soros et Carlyle Riverstone». Tandis que le leader mondial des OGM Monsanto voit dans le secteur des agrocarburants et le problème de rendement de certaines cultures une aubaine pour refiler des OGM aux réservoirs des consommateurs qui n’en veulent pas dans leur assiette. Selon Oxfam-GB, «
l’un des effets secondaires des objectifs en matière d’agrocarburants – en particulier ceux fixés sans l’établissement préalable d’exigences quelconques pour que les sociétés adoptent un comportement responsable – est une ‘ruée pour assurer l’offre’, dans laquelle les sociétés ou les investisseurs riches et puissants se précipitent pour acheter de nouvelles terres, pouvant ainsi déplacer des communautés vulnérables dont les droits fonciers ne sont que mal protégés».
Développer des outils de contrôle
Conscients de l’importance grandissante de leur image de marque, «des pétroliers soutiennent l’idée d’avoir des objectifs intermédiaires .en référence à la proposition du Parlement., d’avoir un système de certification obligatoire avec des aspects sociaux et environnementaux», témoigne Jean-Philippe Denruyter, coordinateur énergie du WWF et membre de la Round table on sustainable biofuels (RSB), qui réunit des ONG, des académiques, des producteurs et des entreprises (Shell, BP, Unica, Toyota…). La RSB a établi une version zéro d’un standard de production durable de biocarburant au niveau social et environnemental, lancé le 13 août dernier pour six mois de consultation au niveau mondial. «Nous discutons beaucoup avec les grandes entreprises afin de savoir comment faire en sorte d’avoir des bénéfices sociaux dans les grandes plantations. Quel type d’irrigation, quels pesticides, quels engrais utiliser ? D’autres problèmes ne peuvent pas être réglés au niveau de la plantation, comme le coup de la nourriture», précise Jean-Philippe Denruyter. La difficulté du travail que réalise la RSB est de négocier ce standard à un niveau mondial. «On ne peut pas être restrictifs dans le type de modèle social que l’on veut dans les plantations, puisque cela va dépendre d’un pays à l’autre. Il faut donc rester assez générique au niveau des critères. Le travail le plus important sera de transformer cela en conditions locales et de le mettre en pratique dans les plantations». Les entreprises préfèrent en tous cas un système de certification qu’un moratoire. «Je pense qu’il sera possible d’inciter les pétroliers à avoir de bonnes conditions sociales dans les plantations. Mais il sera difficile d’intéresser les pétroliers aux petits producteurs car ils recherchent surtout les économies d’échelles, reconnaît Jean-Philippe Denruyter. Il va falloir analyser comment combiner la grande et la petite échelle.»