Politique
Huy-Waremme : action associative, regard politique
01.01.2004
Au bout de dix-huit mois d’un travail intense, les militants associatifs, chevilles ouvrières du chantier de Huy-Waremme, recherchent des solutions locales soutenables. Les politiques acquiescent. Mais pour eux, il faudra les consulter pour avancer. Entretien avec Jean-Michel Javaux (député wallon et communautaire Écolo) et Anne-Marie Lizin (bourgemestre de Huy et sénatrice PS). Leurs propos ont été recueillis par Jérémie Detober, coordinateur des chantiers wallons des « Assises pour l’Égalité », et publiés dans le n°28 de février 2003 de la revue Politique.
Avez-vous pu remarquer certains changements dans le tissu politique et associatif oire syndical tant au niveau local que régional qui découleraient, selon vous, du travail de fond effectué par les « Assises » depuis deux ans? Anne-Marie Lizin: Oui, certainement, mais je ne sais pas si on peut dire que cela découle directement du travail des Assises. Je crois que celles-ci ont produit des moments de rencontres supplémentaires par rapport au travail normal de ces associations, en particulier les syndicats. Je pense qu’ils ont chacun leurs agendas et leurs types de problèmes à traiter mais que l’occasion de se parler en commun des enjeux politiques était une opportunité supplémentaire, nécessaire, voire même enthousiasmante. Jean-Michel Javaux: Dans notre rôle de mandataire politique, nous rencontrons régulièrement ces associations en bilatéral. ici la nouveauté est que nous avons pu les voir ensemble autour d’une même table. Avant, Huy-Wareme avait souvent participé à des forums à Bruxelles ou bien au niveau national. je me souviens ainsi de différentes initiatives qui se faisaient surtout entre différents états-majors de ces mouvements. il était donc temps de décliner la démarche au niveau local. Nous (PS et Écolo) avons donc rejoints la Coordination huy-Waremme pour la tolérance La Corordination Huy-Waremme pour la tolérance (CHWT) regroupe un ensemble d’associations t d’institutions ainsi que des membres à titre individuel, à l’exception des partis politiques. Ceux-ci (PS et Écolo) ont exceptionnellement rejoint la Coordination pour la durée du chatier des Assises de Huy-Waremme , ce qui ne fut pas une chose aisée. D’autre part, le comité de pilotage local n’a pas trouvé de représentant de la Démocratie chrétienne ou du CDH, ce qui est peut-être un peu symptomatique de l’arrondissement. De plus, je pense que nous avaons été parmi les premiers, à Huy, à inviter Attac aux réunions des Assises. Au final, je regrette que nous n’avaons pas réussi à toucher le tout grand public.
A-ML: « entre politiques-associatifs, il faut faire faire plus que simplement se parler »
Au niveau local, dans les manières de fonctionner, avez-vous senti un rapprochement entre les structures? Concrètement, sur le terrain, est-ce que les assises ont permis aux gens de se parler plus qu’avant? Anne-Marie Lizin: Je pense que oui, surtout dans un arrondissement comme celui-ci où ce n’est pas la règle. Nous n’habitons pas du tout le type de milieu bruxellois où finalement les gens se voient régulièrement dans les mêmes endroits. Ici, une partie de Huy dépend de Liège tandis que ceux de Waremme sont plus autonomes, ou inversément. Cela dépend un peu du profil des organisations. C’était donc l’occasion de se voir au niveau de l’arrondissement. par rapport aux réalités d’une vie dans de plus petites entités que les cités industrielles de Liège, je crois que la démarche des Assises était très utile et finalement assez neuve. je veux dire que les élus politiques sont parfois plus décontractés que les responsables d’organisations et que nous sommes parfois plus à même de mettre un peu plus de liant dans les réunions. Ceci dit, c’est vrai qu’il existe déjà une coordination contre les discriminations et le racisme qui fonctionne bien. Personnellement, j’aurais bien aimé qu’on produise un document particulier. Or, ceci repose qur une démarche pour laquelle il faut prendre du temps pour faire une recherche. faire quelque chose ensemble, plus qui simplement se parler. Vous voulez dire un document global? Anne-Marie Lizin: Regardez par exemple une étude en matière de santé. Qui ne va plus chez le dentiste? Moi, je vois bien que l’état des dents redevient un indice de pauvreté. tout cela pourrait aboutir à des propositions peut-être même plus précises que ce qui a été fait. Jean-Michel Javaux: Pour revenir au tissu associatif local, il est vrai que tous ces militants se voyaient dans un certain cadre avec un objectif (à deux ou trois ans) Depuis une dizaine d’années, la CHWT organise une Quinzaine bisannuelle autour de la tolérance, la citoyenneté, la libre expression ou encore les relations Nord-Sud. En mai 2003, la Quinzaine a été entièrement consacrée aux Assises pour l’égalité.. tout à fait essentiel mais qui était un peu figé. En fait, l’initiative de décliner les Assises à Huy-Waremme est venue du politique. Au début, on ressentait une forme de méfiance par rapport aux partis ou aux représentants politiques. d’une part les associations se disaient: »ils viennent dans la Coordination pour récupérer notre action ». De ce point de vue, nous les avons tout de suite rassurés. ils se sont ensuite rendu compte qu’il était essentiel que toutes les réunions intellectuelles qui pouvaient se faire autour d’une table, n’aboutissaient à rien s’il n’y avait pas de concrétisations en textes ou documents. et donc que finalement, les relais politiques étaient primordiaux pour pouvoir transformer de belles réflexions en actes. A ce titre, je crois que nous nous trouvons vraiment à mi-chemin. ce sera à eux, associatifs, et à nous, politiques, de voir ce que nous allons maintenant faire. C’est vri que pour l’instant, on a discuté autour de tables et on a pu réunir des gens en soulignant que ce serait vraiment un plus s’il y avait du concret. par exemple une étude ou une proposition qui pourrait être déposée par deux ou trois partenaires présents dans les Assises.
J-MJ: « Il est nécessaire qu’il puisse y avoir des aboutissements concrets pour éviter de rouiller toute furture dynamique locale »
Une proposition qui pourrait être déposée à quel niveau de pouvoir? Jean-Michel Javaux: cela va dépendre du sujet. On sait bien que le droit de vote des étrangers est une revendications portée par les différents partis qui participent aux Assises. En matière de santé, qui est une compétence fédérale, on peut envisager un texte co-signé par des parlementaires ayant participé aux chantiers wallons des Assises. L’enseignement, lui, doit se traiter dans la sphère communautaire. Pour moi, le niveau de pouvoir n’est finalement pas le plus important. Par cnotre, il est nécessaire qu’il puisse y avaoir des aboutissements concrets pour éviter de rouiller toute future dynamique locale. Certains pouvant se dire: « on va encore discuter mais cela n’est pas très efficace; nous, on travaille déjà tellement dans nos associations… ». Anne-Marie Lizin: Le secteur de la santé est un enjeu énorme. la loi sur le droit de vote des étrangers Cette proposition de loi prévoit de permettre aux étrangers habitants en Belgique depuis au moins 5 ans de voter aux élections communales est quant à elle théoriquement acquise pour la pochaine législature (communale), à condition que les libéraux respectent leurs promesses. Dans le fond, de qui compte, c’est aussi de réapprendre à toute une série d’associations qu’on ne peut déboucher sur du concret que si on créé des solidarités politiques. je veux dire qu’il est bon de restaurer le rôle du politique que les gens ne comprennent parfois même pas. Sans les politiques, on ne pourra par exemple pas changer la loi sur le financement des soins en dentisterie. il faut donc qu’à un moment donné le lien entre associations et parlementaires ré-apparaisse clairement.
A-ML: « Il est bon de restaurer le rôle du politique que les gens ne comprennent parfois même pas »
Le chantier de Huy des Assises regorge de militants associatifs. Peu de politiques par contre semblent s’y être investi, notamment au niveau du PS. Comment expliquez-vous cette absence? Anne-Marie LIzin: Plusieurs membres d’associations participantes à la Coordination sont du PS. Il est vrai qu’Écolo s’est invcesti beaucoup plus dans le volet droit de vote. Mais pour le PS, comme je le disais précédemment, ce dossier est quasiment bouclé puisque la seule chose qui reste à faire est que les libéraux respectent leur parole après les prochaines élections communales. Jean-Michel Javaux: Je vais même aller plus loin puisque depuis qu’un libéral dirige le ministère en charge des travaux subsidiés, on s’est rendu compte qu’il y a un nombre conséquent de mandataires politiques progressistes qui, à un certain moment, se sont affichés libéraux et donc ne pouvaient pas rentrer dans une démarche d’Assises NDLR: Sur le plan des acteurs politiques, les Assises pour l’égalité ont réuni des mouvements progressistes – PS, Écolo et la Démocratie chrétienne
J-MJ: « Idéologiquement et programmatiquement, le PS et Écolo ont un avenir commun »
Par rapport aux « convergences de gauche », quel lien établissez-vous entre l’émergence officielle des « convergences » et le processus des Assises qui a implicitement travaillé à ce qu’un tel rapprochement se réalise? peut-on affirmer que les Assises sont pour quelque chose dans les convergences PS-Écolo? Anne-Marie Lizin: Oui, peut-être plus sur Bruxelles que sur Huy-Waremme masi je suis certaine que cela joue dans la création d’un lieu de réflexion commun. j’ai pu le sentir dans les contacts, dans la façon d’être de chacun. Jean-Michel Javaux: Sur le fait qu’on puisse parler d’enjeux politiques à certaines éhéances, c’est clair que les Assises ont pu joue run rôle dans ces convergences. la revue Politique a aussi pesé d’un poids significatif dans la balance. Je pense que le rôle des organisations syndicales et d’autres associations a également été primordial pour ces convergences. Avec Anne-Marie Lizin, au niveau local, nous insistons tous les deux sur l’expression « convergences » et non pas « pôle des gauches ». Pour aller plus loin, nous vivons dans un arrondissement historique où, dans certaines communes, Écolo n’est pas en majorité avec le PS parce qu’il reste des endroits où l’on sort de 100 ans de socialisme. Nous expérimentaons donc une période de transition, mais, comme je l’ai toujours dit, idéologiquement et programmatiquement, nous (PS et Écolo) avons un avenir commun parce que nous sommes très proches sur les grands dossiers: sécurité sociale, chômage, politique sociale. Au niveau de l’action politique après le chantier de Huy-Waremme, en tant que relais, il y a d’autres sujets sur lesquels vous pourriez intervenir? Par exemple en matière d’enseignement et de culture? Anne-Marie Lizin: Évidemment, je ne suis pas directement concernée par les matières communautaires mais pour le PS je pense que la santé sera un des points principaux sur lequel nous allons travailler durant la campagne électorale. en fait, à Huy, cela représente plus de 50% de notre énergie, à la limite c’est plus de 50% de notre budget aussi. Ce thème-là ne peut donc pas être écarté des convergences de gauche. Jean-Michel Javaux: Selon moi, il y a un sujet incontournable que la campagne électorale va devoir absolument traiter. Je veux parler de la sécurité Il ne faut pas aborder le sujet avec angélisme. On a parfois reproché à certains d’arriver sur ce thème de façon trop idéologique. les gens ont besoin de sécurisaion dans leur milieu de vie. Il y a donc là un thème sur lequel les convergences de gauche vont devoir agir en apportant des réponses précises. le problème de la sécurité devra se régler dans un cadre préventif avec des travailleurs de terrain, des organisations et pas uniquement par un renforcement sécuritaire des forces de police, soit une réponse qui arrive en aval. la sécurité commence aussi par un accès aux soins de santé, à la culture et donc par une égéalité de tous devant l’enseignement. Quand un jeune est décroché très tôt parce qu’il ne trouve plus sa place dans l’enseignement, c’est que son problème n’a pas été géré en amont. personnellement, c’est sur ce thème que j’ai le plus de divergences dans les différentes assemblées où je siège avec les libéraux et avec la droite pure et dure. Je ne parle pas spécialement de la droite de Louis Michel qui en est une autre. Mais entre parlementaires de la Communauté française, lorsqu’on parle d’éduction permanente, d’organisations de jeunesse, de centres de jeunes ou bien de différents soutiens à des milieux associatifs, on retrouve directement les vrais clivages droite/gauche. Et c’est sur ce terrain-là que je les attends!