Politique
Hourra, c’est une fille !
23.09.2019
Et elle se prénomme Ursula (von der Leyen), la nouvelle présidente de la Commission européenne avalisée par les États membres et le Parlement européen. Enfin, une femme à la tête de cette institution, gardienne des Traités, qui détient le monopole de l’initiative législative européenne : pas un texte en effet qui ne puisse être débattu sans qu’il ne soit issu d’une proposition de la Commission. Même le Parlement européen avait déjà obtenu ses présidentes sous les traits de Simone Veil en 1979-1982 et de Nicole Fontaine en 1999-2002. Un vent de renouveau soufflant sur une institution majeure de l’Union européenne ? Ou le changement dans la continuité d’une institution européenne affaiblie par les États ?
Ursula von der Leyen est avant tout Allemande, proche de la chancelière Angela Merkel et ministre fédérale depuis 2005. Issue du sérail de la CDU, son parti est membre du Parti populaire européen (PPE), celui qui a fourni cinq (et désormais six) présidents à la Commission, dont les deux derniers – Jean-Claude Juncker et José-Manuel Barroso – qui se sont partagé les trois dernières mandatures (2004-2019). Vous avez dit changement ?
Au cours de cette négociation des hauts postes européens, il n’est pas anodin de constater que la France a placé Christine Lagarde, ancienne directrice générale du Fonds monétaire international, au poste de présidente de la Banque centrale européenne. Deux femmes à la tête des deux plus puissantes institutions de l’Union européenne ? Ou la force du couple franco-allemand à l’œuvre ?
Car, en désignant Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission, le Conseil européen a bien envoyé valser les revendications du Parlement européen qui réclamait que le candidat soit celui de la famille politique sortie la plus renforcée du scrutin. Ah cette fameuse procédure des Spitzenkandidaten : ces candidats têtes de liste des fédérations de partis européens, qui ont mené la campagne électorale européenne, et dont le Parlement et la Commission nous vantaient le mérite démocratique depuis sa mise en place en 2014… Si l’on suivait cette interprétation, Manfred Weber (CSU et candidat du PPE) aurait dû être le candidat soumis au vote puisque le PPE sortait affaibli mais vainqueur des élections européennes. Mais voilà… Paris ne soutenait pas sa candidature et Berlin n’entendait pas lâcher le poste. Finalement, c’est Emmanuel Macron qui a proposé le nom de la ministre fédérale allemande de la Défense pour sortir
de l’impasse. Les Spitzenkandidaten n’ont pas fait le poids contre les critères institutionnels, partisans et nationaux. Une candidate basée sur le résultat des élections européennes, vraiment ?
Ursula von der Leyen n’a d’ailleurs été avalisée que d’une très courte majorité, avec seulement neuf voix de plus que la majorité requise. Lors de son élection devant le Parlement européen le 16 juillet dernier, la candidate du Conseil européen n’a en effet obtenu que 383 voix en sa faveur, elle a surtout récolté 327 votes contre (et 22 abstentions et un bulletin nul). Elle n’a donc pas rallié la large majorité espérée, elle est même la moins bien élue depuis Jacques Santer (1994). Une présidente légitime et légitimée dans ses fonctions ?
Mais c’est une fille ! Réjouissons-nous.