Politique
Frappe et tais-toi
01.12.2004
«La France n’est-elle pas un pays formidable? Nous, en Belgique, pauvres ploucs, on se contente d’autoriser : le mariage homosexuel, l’euthanasie… Les Français, eux, ont droit à des réponses bien fermes. Problème, la prostitution? On pénalise le racolage passif! Problème, le voile? On interdit les signes religieux à l’école! Problème, l’homophobie? Hop, un petit projet de loi «relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère homophobe». Pas contentes, les féministes? Vite, on rajoute un petit paragraphe antisexiste. Voilà un gouvernement qui gouverne : du moment qu’il s’agit de réprimer quelque chose, il suffit de demander, c’est comme si c’était fait! — Mais les féministes, qui sont des emmerdeuses, ne sont toujours pas contentes. Elles chipotent sur des détails!. Par exemple, elles font remarquer que le vote de la nouvelle loi aurait pour conséquence paradoxale de punir plus lourdement les propos incitant à la violence physique que la violence physique elle-même. Ainsi, dire : «Les femmes, c’est bon de leur foutre une raclée de temps en temps», coûterait un an de prison et/ou 45.000 euros d’amende, alors que frapper une femme ne vaudrait qu’une amende de 1500 euros! Moralité : frappe et tais-toi! — Oui, l’échelle des peines laisse perplexe. Il serait moins grave de crier «sale pute» que «sale pédé». Et même deux fois moins grave! 12.000 euros contre 22.500 euros, sans parler de la peine de prison éventuelle… Même tarif pour la diffamation : dire «Il a eu son poste parce qu’il a couché avec son chef», concernant un homosexuel, serait deux fois plus cher que : «Elle a eu son poste parce qu’elle a couché avec son chef». — Et si c’est une lesbienne? — Ah là, tu compliques tout… Mais bon, imaginons la scène. Une lesbienne s’est fait insulter… Le Président : «Alors, mon brave, on n’aime pas les homos?» L’avocat : «Mais pas du tout, mon client n’a rien contre cette honorable confrérie, ou consoeurie, enfin bref… non, s’il a insulté la plaignante, c’est seulement parce qu’il hait les femmes». Le Président : «Ah bon, j’aime mieux ça! Dans ce cas je coupe la peine de moitié!» — Puis-je dire quelque chose? Toutes ces interdictions me donnent froid dans le dos. Bon, je suis sans doute de la vieille école, mais je préfère la pédagogie à la répression. Même avec un bâillon sur la bouche, l’insulte est bien là, elle aurait plutôt tendance à croître et se multiplier… Moi il me paraît plus important d’intervenir quand deux mômes s’engueulent en cour de récréation en se traitant de «pédés», que d’empiler des lois qui, en plus, risquent d’être rarement appliquées… — Note bien que si elles l’étaient, voilà qui résoudrait les problèmes budgétaires! Tu imagines, à 22.500 euros le «pédé», rien qu’entre automobilistes visant la même place de parking? Ce serait bien plus rentable que la DLU! — Tout de même, quand on a vu, au moment du vote du PACS, des contre-manifestants gueulant «Les pédés au bûcher», je ne suis pas sûre que la pédagogie suffirait… Et puisqu’il y a des lois antiracistes, avec leurs limites mais aussi leur utilité, je trouve normal qu’il y ait aussi des lois antisexistes. — N’empêche, faire du sexisme une sous-catégorie de l’homophobie, il fallait y penser…»