Politique
Expertise économique
03.06.2010
La solution au problème des pensions découle, pour nos économistes, des projections démographiques et relève de l’évidence comptable : comme la part des pensionnés par rapport aux actifs augmente, l’équilibre financier du système nécessiterait soit de diminuer le montant des pensions, soit d’augmenter la durée d’activité. Puisqu’il n’est pas souhaitable de diminuer les pensions, le sauvetage du système nécessitera la prolongation de la durée d’activité. La remontée durable du chômage n’a donc même pas suffi à les dissuader de prôner un allongement supplémentaire de la vie active. Reste une troisième éventualité jamais évoquée par nos experts : l’augmentation du niveau des recettes. Le dogme qui fait de la «baisse des charges» un impératif catégorique, exclut du même coup l’accroissement des recettes. Aucun économiste n’a jamais démontré pourtant l’existence d’un seuil de viabilité des dépenses sociales. Ainsi la crise financière de la sécurité sociale est-elle devenue le mythe qui sert à occulter la capacité de chaque État d’affecter ses recettes à l’investissement social. L’expertise économique a rabattu la sphère politique à ses seules dimensions comptables. Le débat véritable sur l’inégalité sociale face à l’espérance de vie en bonne santé et les transformations des modes de vie qui en découlent est escamoté par un prétendu choc démographique. En effet, contrairement aux prémices des prévisions catastrophistes, la seule chose dont nous soyons sûrs, c’est que «toutes choses ne seront pas égales par ailleurs» à l’horizon de 2030, et encore moins de 2050 ou 2060. Au lieu d’être des inactifs, les retraités pourraient devenir à l’avenir des personnes différemment et librement actives B. Friot, L’enjeu des retraites, Paris, La dispute, 2010. La résistance que rencontre partout la réforme néolibérale des retraites montre bien que la démocratie n’a pas encore cédé la place à l’expertise. Autrement dit, le pouvoir de ceux qui n’ont pas le pouvoir est riche de capacités inventives et porteur de solutions inédites qui ne demandent qu’à s’exprimer. Encore faut-il que les syndicats des travailleurs puissent faire prévaloir leur point de vue contre celui de la corporation des experts en économie.