Politique
Exit mai 68 : Sarko l’a rêvé, l’ULB l’a fait
05.11.2013
Le 17 octobre dernier, lors d’une séance convoquée en dehors de l’enceinte universitaire pour raisons de « sécurité », le Conseil d’administration (CA) de l’ULB a voté une réforme statutaire d’ampleur.
Le vote s’est tenu en plein centre de Bruxelles, à la lisière de la zone neutre sous protection policière. Cet élément parmi d’autres laisse à penser qu’il convient de relativiser les justifications des autorités de l’université qui présentent la réforme comme démocratique et concertée[1.www.ulb.ac.be/ulb/greffe/documents/ gouvernance.htm->www.ulb.ac.be/ulb/greffe/documents/gouvernance.html.l.]. L’approbation des nouveaux statuts a suscité des vives critiques des étudiants et des représentants du personnel et a fini par générer un mouvement social sur le campus. Cela faisait vingt ans qu’un CA ne s’était plus réuni extra-muros dans ce qui ressemble a une tentative pathétique d’esquiver la contestation. Les autorités de l’ULB ont fait appel à la police pour permettre au CA de se tenir malgré les protestations très vives de différentes composantes de la communauté universitaire que cette instance est censée représenter.
Sous prétexte d’améliorer la gouvernance, la direction ulbiste a remis fondamentalement en question la gestion participative de l’Université héritée des combats menés en mai 68. Pourtant, dans la structure telle qu’elle existait jusqu’à cette réforme statutaire, le pouvoir rectoral et décanal restait très fort. Les corps minoritaires – étudiants, PATGS (personnel administratif et technique), scientifiques… – étaient sous-représentés par rapport au corps académique. La revendication maximaliste portée à l’époque par le mouvement de mai 68 à l’ULB de mise en place d’une instance de décision quadri-paritaire où les quatre corps auraient été représentés à part égale n’avait jamais été rencontrée. Il se trouvera des esprits chagrins pour dire que le CA de l’ULB était pléthorique et que les discussions y étaient interminables. Certes, le fonctionnement était sans doute perfectible mais cette lourde charge contre la démocratie participative apparait clairement comme disproportionnée sauf à considérer que la fin justifie les moyens. En effet, une mesure simple comme celle de ne faire siéger les suppléants qu’en remplacement des effectifs si nécessaire aurait déjà répondu au problème de pléthore si tant est qu’il existât.
Top manager
Quelles sont les nouveautés apportées par la réforme ? Tout d’abord le transfert des actuelles prérogatives de l’actuel conseil d’administration à deux structures, l’une toujours appelée conseil d’administration et disposant de la compétence de gestion et l’autre dénommée conseil académique et disposant des compétences en matière d’enseignement et de recherche. Dans cette nouvelle configuration la représentation des corps minoritaires est encore plus disséminée. Ensuite, la fonction de directeur général est créée. Il s’agit d’un super-gestionnaire qui, s’il devra rendre des comptes aux instances, concentrera entre ses mains un réel pouvoir de décision sur la gestion quotidienne. La place est donc ouverte pour un top manager au détriment de la participation des représentants des différentes corps de l’université élus au suffrage universel. Certains ne manqueront pas de rappeler que les étudiants sont représentés dans les mêmes proportions dans les instances nouvellement instaurées. Les observateurs avertis rétorqueront que la proportion des représentants étudiants dans les instances était « protégée » de toute réforme car garantie par le décret dit participation de la ministre Francoise Dupuis du 12 juin 2003. Bref, cette réforme de la gouvernance, dans la continuité de récentes mesures (telles que la contribution financière accrue des étudiants étrangers, la réforme Smiley[2.Modernisation, via l’implémentation d’un progiciel SAP intervenue en 2011, de toute la gestion universitaire (finances, ressources humaines, contrats de recherche, achats…). (NDLR).]…)], inscrit toujours davantage l’ULB dans des logiques managériales conformes à l’air du temps, mais en rupture totale avec l’élan démocratique porté par les soixante-huitards qui voulaient que l’Université soit l’affaire de tous et non le jouet d’une élite.