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Évasion fiscale : un plan d’avenir pour une vraie politique de gauche

Enrayer le pillage de la richesse collective par l’évasion fiscale n’est pas un objectif irréaliste. Y parvenir exige néanmoins un volontarisme politique assorti de réformes radicales. Un plan d’avenir en 5 points.

1. Fixer un nouveau cap gouvernemental

Dans le cadre des négociations pour un gouvernement fédéral, la gauche exige et obtient la gestion des Finances. Désormais aux commandes d’un ministère occupé pratiquement sans interruption par la droite depuis 1830, elle annonce faire de la lutte contre l’évasion fiscale une nouvelle cause nationale. Ainsi, dès le début de la législature, une série de mesures ambitieuses sont prises :
-Le gouvernement remet en cause la liberté absolue de circulation des capitaux
-La Belgique rompt les conventions en vigueur de prévention de la double imposition avec des paradis fiscaux.
Le gouvernement annonce qu’il n’en signera plus de nouvelles. Il demande que ces mesures soient étendues au niveau européen.
-Création d’un parquet national financier, visant à lutter contre la grande délinquance économique, doté des moyens à la hauteur de ses missions.
-Suppression des niches fiscales utilisées par les grandes et très grandes entreprises, ainsi que par les riches et très riches particuliers.

Le gouvernement belge remet en cause la liberté absolue de circulation des capitaux.

2. Changer les lois

-La majorité au parlement fédéral annule toutes les mesures faisant de la Belgique un paradis fiscal. Elle adopte une liste recensant la centaine de paradis fiscaux, y compris ceux de l’Union européenne. Elle lève complètement le secret bancaire.
-Les député·es votent une loi exigeant des banques un reporting détaillé de tous les mouvements financiers (entreprises et particuliers) vers des paradis fiscaux et en provenance de ceux-ci, quels qu’ils soient, dont ceux de l’Union. Le parlement instaure également une taxation sur les transactions financières, en commençant par celles impliquant les paradis fiscaux, dans l’objectif de limiter au plus vite l’évasion fiscale.
-Parallèlement, l’arsenal législatif susceptible de faciliter l’organisation de l’évasion fiscale est examiné et réformé. Les parlementaires modifient les règles déontologiques incombant aux professionnels du droit et du chiffre, pour ce qui est de leur activité de conseil fiscal, renforcent la protection des lanceurs d’alerte et encouragent la divulgation de faits d’évasion fiscale par des incitants financiers.
-Au niveau institutionnel, la majorité finalise, sans délai, la régionalisation de la gestion des droits de succession pour mettre un terme à la dilution des responsabilités, qui représente une situation d’aubaine pour les candidates à l’évasion fiscale.

La Belgique adopte une liste recensant la centaine de paradis fiscaux et lève complètement le secret bancaire.

3. Armer la justice et l’administration fiscale

-Grâce à la nouvelle politique impulsée par le gouvernement des gauches, l’administration fiscale est considérablement renforcée en termes de compétences et d’effectifs, de manière à être en mesure de faire contrepoids au pouvoir des organisateur·ices de l’évasion fiscale. Elle cible son action sur les riches et les très riches particuliers, ainsi que sur les grandes et les très grandes entreprises. Les moyens de la justice sont pareillement augmentés.
-On confie le traitement des plaintes déontologiques – à caractère fiscal à l’encontre de professionnels du droit et du chiffre – à un organisme indépendant et non plus à leurs ordres professionnels.
-Le gouvernement met en place un système obligatoire de reporting pour les grands cabinets de conseil fiscal.
-Il oblige l’administration fiscale à porter plainte déontologique, ce qu’elle ne fait pas, considérant jusqu’à présent que le faire participerait de la violation du secret professionnel.
-Par ailleurs, le gouvernement et son administration cessent de recourir aux services des grands cabinets d’audit pratiquant le
conseil fiscal, trop souvent inspirateurs de lois fiscales conservatrices et acteurs majeurs de l’assèchement des recettes fiscales.

4. Se battre au niveau international

-Le gouvernement s’oppose à tout élargissement de l’Union qui irait à l’encontre de la lutte contre l’évasion fiscale, ainsi qu’à toute mesure européenne qui aboutirait directement ou indirectement à augmenter la concurrence fiscale.
-La Belgique engage des sanctions, notamment commerciales, à l’encontre des pays avec lesquels les conventions d’échanges de données fiscales ne sont pas respectées ou font l’objet de palabres infinies.
-Le pays se fait le défenseur acharné de la transparence en matière de fiscalité des multinationales.
-De façon générale, il met la question de l’évasion fiscale au cœur de sa diplomatie : «We want our money back !».

Le pays se fait le défenseur acharné de la transparence en matière de fiscalité des multinationales.

5. Impliquer la population

-Afin de rétablir le consentement et assurer l’adhésion populaire à ses réformes, le gouvernement montre ostensiblement qu’il accorde la priorité absolue à la lutte contre l’évasion fiscale des riches et des très riches.
-Dans cette même optique, le gouvernement crée un observatoire public de l’évasion fiscale accessible à tout·e citoyen·ne. Ce dernier met en place une batterie d’indicateurs publics permettant de s’assurer que chacun·e contribue fiscalement selon ses moyens, qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises.
-L’administration doit sortir de l’opacité pour aller vers la transparence en devenant démocratique.
-L’administration publie annuellement les listes anonymisées suivantes : les successions les plus importantes et les droits acquittés les plus importants, les contribuables les plus importants du point de vue des revenus et des divers impôts payés.