Politique
État islamique et forum nucléaire
21.02.2016
Ce raisonnement anime la réflexion sur l’Union européenne. À bien des égards, on nous la présente comme désormais inéluctable – et donc peu démocratique –, et il faut reconnaître qu’il est difficile d’imaginer un retour en arrière radical, au sens de ce qu’a pu être le continent avant la déclaration de Schuman le 9 mai 1950. Ministre des Affaires étrangères français, il proposait la création d’une Communauté européenne dont les pays membres mettraient en commun leur production de charbon et d’acier…, une Europe très très réduite dans ses prérogatives et ses ambitions. Même l’extrême droite ne souhaite pas aujourd’hui revenir si loin en arrière. Le raisonnement de Thomas Paine anime également le débat sur le réchauffement climatique. En effet, à quoi bon s’étendre dans des débats pédants sur la nature profonde de la démocratie si de toute façon l’état de la planète dans quelques dizaines d’années exigera une gestion autoritaire des ressources, et donc des populations. Quel est l’intérêt de bénéficier de la liberté d’expression et de participer à des élections libres si le gros de l’agenda politique, demain, consistera à organiser la survie d’une population perdue sur une planète désormais peu hospitalière. Le Forum nucléaire a une solution : l’énergie du même nom, moins dangereuse pour le réchauffement climatique que l’utilisation de combustibles fossiles ! C’est vrai, et c’est un des arguments qui revient le plus souvent lorsqu’on parle de l’avenir de nos centrales. Cela dit, le fantôme de Thomas Paine reste omniprésent. Car s’il y a bien quelque chose que nous laisserons à nos descendants pendant des milliers d’années, ce sont des déchets nucléaires. Non seulement on impose à des centaines de générations futures le financement de ce type de politique, mais de surcroît ils ne pourront jamais revenir en arrière, ils pourront juste arrêter d’accumuler des déchets, ils ne pourront pas s’en débarrasser. C’est ce qu’on appelle du temps long ! Si Jésus avait enterré des déchets dans son jardin, on devrait encore aujourd’hui payer un équivalent temps plein pour surveiller le site et le protéger contre des terroristes ou des ennemis mal intentionnés, et on ne serait qu’au 1/3 voire au 1/5 du temps écoulé avant que ces déchets ne représentent plus de danger pour la santé. Un équivalent temps plein pendant 6000 ans ? Il faudrait plus, peut-être une centaine de gardiens par site, et c’est ce qui nous amène à l’État islamique et à une question toute simple : que serait-il arrivé si la Syrie ou l’Irak avait enfoui des déchets nucléaires sur les zones aujourd’hui contrôlées par l’État islamique ? La réponse est dans la question. Elle montre que personne ne peut garantir sur 10 000 ans, et même 1000 ans, la stabilité d’un État ou d’une zone géographique, et qu’à ce titre ces déchets sont des armes en puissance extrêmement dangereuses. Au même titre que les centrales à l’arrêt pour cause d’accident, hyper-contaminées, recouvertes d’un sarcophage, comme à Fukushima au Japon (en construction), ou à Tchernobyl dans ce pays si apaisé et si stable qu’est l’Ukraine.