Union européenne • Economie
En débat. Une politique de gauche est-elle possible dans l’UE ? (1/2)
26.07.2024
Oui, une politique de gauche est possible dans l’UE… à condition d’éviter les débats stériles, qui opposent les partisans de l’austérité aux partisans du « quoi qu’il en coûte ».
Dans notre pays, le déficit public s’établit en 2023 à 4,4% et le niveau d’endettement à 105,2% du PIB. Même si près de 80% de la dette se situe au niveau fédéral, la dette des entités fédérées est en forte augmentation1. La détérioration s’explique par une augmentation structurelle des dépenses. Les recettes, hors facteurs temporaires, sont revenues à un niveau proche d’avant la crise sanitaire (BNB, 2024). À politique inchangée, le Bureau fédéral du Plan prévoit une détérioration du déficit sur la période 2025-2029 pour atteindre 5,6% du PIB et une augmentation de la dette à 116,8% du PIB. On assisterait à une dégradation du déficit fédéral alors que la situation des entités fédérées s’améliorerait (mais de manière différente entre les entités).
De multiples chocs à venir
Sur la période 2025-2029, les gouvernements seront contraints à un double exercice : faire face aux nouvelles dépenses et rétablir l’équilibre des finances publiques, tout en préservant la reprise économique et ainsi disposer de marges face aux prochains chocs. Dans un rapport récent, les partenaires sociaux insistent sur l’importance de préserver la soutenabilité des finances publiques pour maintenir l’autonomie dans les choix politiques et garantir l’avenir de notre modèle social.
La Belgique a déjà connu plusieurs périodes d’assainissement : dans les années ’80, ’90 et après la crise financière de 2008-20092. Mais la politique d’ajustement à venir sera bien différente. Même si la soutenabilité des finances publiques à court terme n’est pas menacée, elle sera confrontée à plusieurs chocs.
Les partenaires sociaux insistent sur la soutenabilité des finances publiques pour maintenir l’autonomie des choix politiques et garantir l’avenir de notre modèle social.
Le premier concerne l’accroissement des charges liées au vieillissement. Les dépenses sociales passeraient de 25,7% en 2022 à 30,1% du PIB en 20503. Le deuxième concerne le réchauffement climatique, quand le coût des dommages climatiques est à charge des pouvoirs publics (inondations, sécheresse, migrations climatiques, etc.). Via les risques physiques qu’il génère, il peut aussi provoquer des chocs sur l’offre et la demande et impacter indirectement les finances publiques.
Le troisième choc concerne les investissements pour garantir la transition vers une société bas-carbone. Des politiques d’accompagnement devront aussi être mises en place pour éviter une fracture sociale.
Le quatrième choc est relatif aux dépenses en matière de défense et de souveraineté dans un contexte de tensions géopolitiques. Enfin, la dernière crise énergétique rappelle la nécessité de disposer de marges suffisantes pour garantir une intervention rapide des pouvoirs publics.
La transition vers une économie décarbonée s’accompagnera très probablement de nouveaux chocs d’inflation, notamment sur l’énergie. Une attention particulière doit aussi être apportée aux charges d’intérêt. Ces dernières années, le taux d’intérêt moyen sur la dette est inférieur à la croissance nominale, ce qui a réduit mécaniquement le taux d’endettement en pourcentage du PIB, même avec un déficit primaire limité. Suite à la récente hausse des taux, le différentiel se réduit et exige un solde primaire (solde de financement hors charges d’intérêt) plus important, pour réduire le niveau d’endettement et éviter à terme un effet boule de neige.
Une réduction linéaire des dépenses de fonctionnement de l’État est inefficace et crée un sentiment d’austérité de nature à alimenter les populismes.
Les règles de gouvernance budgétaire européenne réformées imposent à la Belgique de réduire son déficit et de garantir la soutenabilité de sa dette. Elles répondent à certaines critiques formulées précédemment4. Les États doivent présenter leur propre trajectoire d’ajustement leur laissant plus de temps s’ils engagent des réformes et des investissements. Une estimation pour la Belgique fait état d’une amélioration annuelle du solde primaire structurel5 de 1,2% du PIB si une «trajectoire de référence» de quatre ans ou de 0,7% si la trajectoire est étalée sur sept ans6. Les efforts annuels seraient respectivement de l’ordre de 7,3 et 4,2 milliards d’euros7.
La solution : une administration forte et une politique efficace
Une rupture avec le passé s’avère nécessaire. Primo, une réduction linéaire des dépenses de fonctionnement de l’État est inefficace et crée un sentiment d’austérité de nature à alimenter les populismes. Pour mener à bien les réformes structurelles tout en garantissant un modèle socialement et économiquement tenable, nous avons besoin d’une administration forte et efficace.
Secundo, il s’agira de déterminer les choix les plus efficients. Une véritable évaluation des politiques (dépenses et recettes) s’avère nécessaire pour identifier les politiques les plus appropriées. Une meilleure sélectivité des bénéficiaires est indispensable pour cibler les mesures sur les personnes et les entreprises qui en ont besoin, tout en préservant le soutien de la population. Le «quoi qu’il en coûte » n’est plus tenable face aux efforts à réaliser.
Une répartition des efforts en fonction des capacités de chaque niveau de pouvoir est indispensable.
Tertio, tous les niveaux de pouvoir sont concernés, mais pas toujours de manière proportionnelle. Une répartition des efforts en fonction des capacités de chaque niveau est indispensable pour garantir la soutenabilité globale.
Enfin, l’efficience des politiques exige une structure de l’État capable de répondre aux enjeux de demain. Une structure fédérale est compatible avec ces enjeux, car elle permet de tenir compte de réalités régionales différentes, mais elle doit devenir coopérative et empêcher qu’une entité ne détricote ou ne bloque des politiques structurelles nécessaires et bénéfiques à la Belgique dans son ensemble.