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Opinion. Interdire le voile aux enseignantes ? Une stigmatisation de plus qui ne règle rien

(Barry Zhou. Unsplash)
(Barry Zhou. Unsplash)

Wassim Allouka est membre du collectif pour l’inclusion et contre l’islamophobie en Belgique (CIIB). Il répond aux récentes annonces de décret de la Ministre de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles, Valérie Glatigny, concernant l’interdiction du port de signes convictionnels pour les enseignants et enseignantes dans les écoles du réseau officiel.

L ’annonce ­­­d’un projet de décret en décembre dernier visant à interdire le port de signes de conviction pour les enseignants dans l’enseignement officiel en Belgique suscite autant lassitude qu’inquiétudes parmi une communauté de plus en plus sujette à stigmatisation. D’autant que la mesure semble essentiellement à but de communication, puisque rares sont les écoles qui n’interdisent pas déjà les signes religieux et encore plus rares les enseignantes concernées.

Derrière l’argument de la neutralité avancé par ses défenseurs se cache ainsi une mesure qui, loin de favoriser la cohésion sociale, risque d’exacerber les discriminations systémiques déjà présentes dans notre société.

Stigmatisation

Actuellement, les enseignantes portant le foulard dans nos écoles sont peu nombreuses. Ce projet de décret constitue un pas supplémentaire vers l’exclusion de certaines catégories de la population. Il envoie un signal clair : certaines croyances et expressions religieuses ne seraient pas compatibles avec les valeurs éducatives de notre pays.

Selon le rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE de 2024 sur l’état de l’islamophobie en Europe, les femmes portant le foulard sont particulièrement touchées, 45 % d’entre elles signalant des discriminations lors de leur recherche d’emploi.

D’après le rapport du Collectif pour l’inclusion et contre l’islamophobie en Belgique (CIIB) de 2023, l’islamophobie est intrinsèquement sexiste : 7 victimes sur 10 sont des femmes. Or, c’est précisément cette stigmatisation qui fracture notre société et renforce les divisions.

Un climat politique à la dérive

Ce débat ne peut être dissocié d’un climat politique plus large où les idées issues de l’extrême droite se normalisent progressivement. Les récentes déclarations de la conférence du Centre Jean Gol en décembre 2024, par exemple, ont montré à quel point ce discours, dépourvu de données objectives, détourne l’attention des véritables problèmes.

Si nous voulons réellement bâtir une société inclusive et juste, la lutte pour l’inclusion et contre l’islamophobie doit rester une priorité pour protéger nos concitoyens de confession musulmane de Belgique, en soutenant les associations spécialisées contre l’islamophobie comme le CIIB qui existe depuis 10 ans maintenant et les associations antiracistes existantes, pour une perspective intersectionnaliste.

Et la nécessité de mettre en place des actions comme des tables rondes avec des experts, de faciliter la recherche d’emploi pour les femmes portant le foulard et de développer des formations antiracistes, intégrant la lutte contre l’islamophobie dans le milieu de l’enseignement pour les professeurs et les élèves.