Les défis sociaux auxquels Bruxelles doit faire face sont majeurs : désindustrialisation, précarisation du travail, chômage massif, exclusion sociale, coût prohibitif du logement, équipements collectifs insuffisants, systèmes d’éducation et de formation sous-financés… Bien que son action soit principalement ancrée dans les entreprises et vise la conquête de droits sociaux aux côtés des travailleurs, la FGTB a toujours également été présente – notamment à Bruxelles – sur les autres terrains de lutte sociale, par exemple pour le droit au logement, à l’éducation, à la culture ou encore à la santé. Depuis 2005, la FGTB de Bruxelles, la Centrale culturelle bruxelloise et Habiter Bruxelles animent un forum de discussion consacré aux politiques sociales de la ville. Le compte-rendu des travaux des deux premiers forums a été publié dans un précédent numéro hors série de
Politique «Le syndicat dans la ville – comptes rendus du forum de la FGTB-Bruxelles»,
Politique, n° HS 8, décembre 2007. Les thèmes ainsi mis en débat en décembre 2005 et 2006 touchaient plus particulièrement à
l’équipement des quartiers populaires et aux nouveaux plans d’activation des travailleurs sans emploi. Ce nouveau numéro hors série rend compte des réflexions qui ont animé les trois forums suivants et qui ont traité de différents
enjeux syndicaux de la réforme initiée par l’Europe de notre système éducatif et de formation. En 2000, dans le cadre de la déclaration de Lisbonne sur l’économie de la connaissance, l’Union européenne engage les États membres à réformer en profondeur leurs systèmes éducatifs et de formation pour faire de ceux-ci des facteurs-clés de la compétitivité européenne. C’est sous la bannière de l’État social actif que l’éducation et la formation des adultes sont avancées comme éléments de réforme de notre système social. Le déficit de qualifications des jeunes bruxellois est dans ce cadre brandis comme une des causes principales du chômage. Et la formation est présentée comme un élément important de la sécurisation de la carrière d’un individu, au moment même où les emplois précaires se multiplient et où les diverses formes de protection sociale sont remises en cause. Pour le monde du travail, le droit à la formation est bien sûr un acquis social très important, à défendre et à renforcer. En ce sens, la «formation tout au long de la vie» pourrait contenir une dimension émancipatrice ; elle pourrait mettre en marche, dans une démarche égalitaire, des chances de promotion sociale pour toutes et tous. Mais ce concept peut également devenir un simple instrument mécanique d’adaptation permanente des travailleurs aux besoins des entreprises ! On le sait : celles-ci n’ont que trop tendance à considérer les travailleurs comme de simples outils. Dans un tel cadre, la
formation tout au long de la vie ne ferait qu’augmenter la flexibilité, la précarité et l’exclusion ! Ce fut la question centrale du forum organisé fin 2007 «Le droit à la formation tout au long de la vie !? Entre contraintes et émancipations des travailleurs», Forum du 12 décembre 2007, Maison des huit heures, Bruxelles. Le forum suivant a abordé, au printemps 2008 «Pour l’égalité des femmes et des hommes dans la carrière. Enseignements de l’action syndicale des délégué(e)s du secteur du nettoyage», Forum du 12 mars 2008, Auditorium des Femmes prévoyantes socialistes, Bruxelles , la
formation comme outil de lutte contre les discriminations, sur base d’une expérience concrète en cours dans le secteur du nettoyage. En effet, bons nombres travailleurs luttent dans leurs entreprises et leurs secteurs professionnels pour que ce droit à l’éducation et à la formation puisse se concrétiser, dans une perspective collective de progrès social. Mais comme on sait, malgré les déclarations d’intention des employeurs et de multiples accords interprofessionnels, ce droit est inégalement garanti, entre hommes et femmes, entre cadres et non-cadres, entre travailleurs d’origine différente. L’effort permanent de formation syndicale paraît plus essentiel que jamais pour y remédier. Ces questions essentielles de la formation à Bruxelles nous renvoient inévitablement à la
formation initiale et au défi de l’école à Bruxelles. Le 3ème forum s’y est consacré à l’hiver 2008 «Le défi de l’école à Bruxelles», Forum du 4 décembre 2008, Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles.
Crise de l’enseignement
L’école est en crise. L’enseignement bruxellois ne parvient pas à réduire les inégalités. Il a manifestement échoué dans sa mission d’intégration des populations fragilisées, souvent d’origine immigrée : la mixité sociale, économique et culturelle n’est pas au rendez-vous. Un système équitable d’enseignement serait un système où le diplôme et la situation économique et sociale des parents n’auraient pas d’influence sur la réussite de l’enfant. À lire des études internationales, ce n’est pas le cas en Belgique (et à Bruxelles en particulier). Bref, l’ascenseur social est en panne. Quelles que soient la répartition de compétences entre les différents niveaux de pouvoir, la prochaine législature régionale 2009-2013 devra s’emparer de ce défi majeur pour les Bruxellois et poursuivre, avec les Communautés française et flamande, la réforme de notre système éducatif et de formation. Les efforts déployés par la Région depuis sa création, il y a tout juste 20 ans, pour rénover la ville et stimuler son essor économique ne porteront pleinement leurs fruits que si les Bruxellois bénéficient d’un enseignement leur donnant les connaissances et les compétences suffisantes pour participer activement au développement de la ville, à la fois comme travailleurs mais aussi et surtout comme citoyens. Le monde du travail ne peut permettre que cette réforme de l’école soit instrumentalisée par le marché et la loi du plus fort. Quelles mesures prendre pour lutter contre l’échec scolaire et promouvoir la mixité ? Quelles connaissances et quelles compétences enseigner ? Quelles ouvertures de l’école aux autres acteurs de la ville : culturels, économiques et sociaux ? Quel statut, quelle formation pour les enseignants ?… Dans la vie économique et sociale, la FGTB sait fort bien qu’il existe des «nécessités», notamment celles des entreprises ; mais de son point de vue, il existe surtout des droits sociaux : le droit à l’éducation et à la formation en est un ! Le débat reste bien largement ouvert, au sein du mouvement syndical et de la société bruxelloise. Bureau d’études de la FGTB de Bruxelles