Retour aux articles →

Édito. Organisez-vous !

« Organisez-vous ! » l’appel lancé par Arthur Borriello dans notre dernier numéro résonne en cette saison hivernale. Bien sûr, le politologue ne visait pas l’organisation des fêtes de familles, avec ses agendas à croiser et ses cadeaux à offrir, mais le champ politique, qui ne s’apparente pas toujours à un conte de Noël.

Organisez-vous !, alors qu’un mal semble toucher l’ensemble des groupes sociaux et des corps constitués. Un mal plus grave que la désorganisation : le déphasage, le désarrimage des organisations existantes avec le monde tel qu’il va. Le bouleversement est profond : entre révolution numérique, transformation du système économique, diffusion de théories ultralibérales ou libertariennes. La résultante : une désocialisation typique des grands changements d’époque.

La gauche a un trésor d’histoire organisationnelle, d’essais et d’erreurs, d’avancées et de reculs.

Organisez-vous ! Les générations se succèdent, et les nouveaux venus comprennent soudain mieux le sens de paroles anciennes. L’appel du Manifeste, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », n’était-il pas une supplique à l’organisation politique, bientôt reprise en chœur par les travailleurs et travailleuses dans le monde entier ? En serions-nous toujours là ? Et bien oui… et non. Car entretemps, depuis que Karl Marx, en exil en Belgique, a couché ces mots sur le papier, il y a un peu moins de 180 ans, se sont créés et unis les syndicats, les coopératives, les maisons du peuple, les mutuelles, les associations… et les partis ! Au contraire de nos illustres ainés, fondateurs et fondatrices du mouvement ouvrier, combattant pour le droit de vote et des conditions de vie décente, nous ne repartons pas de zéro. Ainsi donc, la gauche a un trésor d’histoire organisationnelle, d’essais et d’erreurs, d’avancées et de reculs.

La gauche sociale, populaire, a normalement pour elle la force du nombre, c’est son pari initial.

Cette importance de l’organisation, et de l’implication personnelle dans celle-ci, a varié à travers le temps. Elle interroge à nouveau aujourd’hui, peut-être surtout des partis qui pensaient avoir trouvé la formule gagnante pour durer et transformer l’ensemble de la société. C’est le cas des « écologistes confédérés pour l’organisation (sic) de luttes originales », en bref : « Écolo ». Un parti vert qui va de victoire en défaite, en continuant à se promettre de « faire de la politique autrement ». C’est aussi le cas du Parti socialiste (PS), dont l’érosion, que d’aucuns pensent inéluctable, inquiète les plus hauts responsables. Son président, Paul Magnette – que nous retrouvons dans le dossier de ce numéro – annonce d’ailleurs un grand « processus de refondation » à partir de mars 2025. Pendant ce temps, le PTB avance, serein, renvoyant, comme un miroir déformant, au frère ennemi socialiste, l’image qui était celle du PS, il y a plus de cinquante ans : un parti de militantes et de militants investis dans une organisation de terrain et dans la société.

La gauche sociale, populaire, a normalement pour elle la force du nombre. C’est son pari initial : « nous ne sommes rien, soyons tout », tonne l’Internationale. Aucune force ne peut abattre la majorité d’un peuple, lorsqu’il se lève pour améliorer son sort et la société. Aujourd’hui, alors que la commune flamande de Ninove est aux mains de l’extrême droite, que le cordon sanitaire est éreinté sous le coup des compromissions locales, alors que les périls et l’instabilité semblent se généraliser, c’est bien le mot d’organisation et de réorganisation qui marquera la nouvelle année. À nous d’en saisir la portée.