Politique
Écosocialisme et démocratie radicale
23.04.2014
Depuis l’éclatement de la crise en 2008, la droitisation accélérée des formations politiques traditionnelles qui se sont engagées dans la voie « austéritaire », la montée des forces de la droite extrême et nationaliste, l’affaiblissement de la social- démocratie et des verts scotchés tous deux à la perspective, peu réaliste, d’un retour à une régulation du capitalisme mondialisé alimentent une modification rapide du champ politique en Europe. Le constat d’impuissance de la politique se renforce et la démocratie libérale est à son tour entrée dans une crise profonde, dont l’abstention massive n’est qu’un symptôme. Par sa forme même, la crise appelle un changement de cap, une autre organisation sociale. Car la crise ne touche plus seulement l’emploi, les moyens d’existence et la protection sociale, elle affecte les perspectives d’existence de larges couches de la société sur le long terme. De manière emblématique, la crise immobilière espagnole, qui a mis à la rue nombre de ménages, et chez nous l’exclusion de l’assurance-chômage d’une part de la jeune génération, montrent vers quel cul-de-sac social nous nous acheminons. Par une sorte de revanche, l’écosystème Terre donne aussi de la voix et nous fait entrevoir les limites environnementales atteintes ou dépassées. La question environnementale s’est muée en une véritable crise systémique.
Un courant “écosocialiste” en Europe
Dans ce paysage de tempête, une autre tendance prometteuse se dégage sur le terrain politique et électoral. Parallèlement, de la Grèce au Portugal, de la France à l’Espagne, les dernières années ont vu l’éclosion et le renforcement d’une contestation sociale vigoureuse prenant des formes de mobilisation originales (occupy) s’ajoutant et se mêlant aux mobilisations plus traditionnelles des organisations ouvrières et syndicales. Au fil des échéances électorales se consolide un courant à la « gauche de la gauche ». Même si le terme est imparfait car il ne désignerait qu’un déplacement, alors qu’il s’agit d’une véritable refondation d’un projet d’émancipation. Ce courant, que l’on peut désigner de manière générique de « rouge-vert », n’est ni une simple remontée des classiques courants de l’extrême gauche dans leurs différentes variantes, ni un déplacement venu de la social-démocratie et de l’écologie politique standard. Avec des différences nationales très marquées, ce courant peut cependant être subsumé dans les caractéristiques essentielles d’un écosocialisme radicalement démocratique. La démarche écosocialiste ne consiste pas à l’ajout d’un adjuvant vert à un programme anticapitaliste préexistant. Mais bien d’une nouvelle synthèse politique à gauche : « Réalisant la synthèse d’une écologie nécessairement anticapitaliste et d’un socialisme débarrassé des logiques du productivisme, .…. il trace une ligne d’horizon dans la lutte pour une société d’émancipation et de progrès où le saccage de l’environnement et l’exploitation de l’homme par l’homme auront disparu. Notre projet écosocialiste prend en compte les besoins humains et les limites de la planète. Il repense l’utilité sociale de la production, nos manières de consommer, nos besoins réels, la finalité de nos produits et la manière de les produire. »[3.« Manifeste pour l’écosocialisme », décembre 2013.]
Révolution citoyenne
La remise en cause du productivisme n’est pas le seul marqueur de ce projet politique. Une ambition démocratique radicale constitue un autre apport conséquent de ce nouveau courant politique. Négativement, il prend acte que la remise en cause du modèle productiviste capitaliste ne peut résulter d’une simple alternance électorale et de décisions venues d’en haut. Positivement, il implique une refonte radicale des institutions, incluant les scrutins à la proportionnelle, parité et non-cumul des mandats… permettant au peuple d’être effectivement représenté dans toutes ses caractéristiques. Le vocable de révolution citoyenne synthétise bien cette option. Révolution, car elle se propose de changer les formes de la propriété, le système institutionnel et la hiérarchie des normes juridiques, sociales et environnementales qui organisent la société et l’économie. Citoyenne, car elle veut donner le pouvoir à chacun, non pour l’intérêt d’une catégorie sociale en particulier, mais pour le bien de tout humain et car elle se donne des formes institutionnelles et se soumet au suffrage universel, dans le pluralisme politique. C’est dans cette perspective et avec le salut de nombreuses organisations étrangères que s’est constitué le 1er févier dernier le mouvement Vega. En prenant la décision de présenter une liste aux européennes, le nouveau mouvement a voulu traduire par un ensemble de quatorze priorités son opposition à la politique « austéritaire » et antidémocratique actuelle, pour une autre Europe. Mais il faut rappeler que Vega est une expérience originale ancrée dans la politique locale liégeoise depuis quelques années. La « Coopérative Vega » – coopérative de citoyens qui relaie au plan communal un ensemble de revendications et propositions venant du monde associatif, des comités d’habitants… et qui illustre le rôle que peuvent jouer les élus du mouvement. Si la coopérative continue en toute autonomie son travail sur le terrain communal, elle constitue néanmoins un vrai laboratoire pour de nouvelles formes démocratiques.
Vote utile et projet de société
Dans le contexte électoral actuel, on ne peut échapper à la question du vote utile qui désormais se pose aussi à la gauche de la gauche. Avec l’appel de syndicalistes à la constitution d’une force politique à la gauche de la gauche, la responsabilité de la création d’un nouveau parti est plus grande encore. Vega n’a pas vocation à se contenter de l’opposition stérile. Il veut porter l’écosocialisme dans un parlement et un gouvernement comme aucune autre force politique. Parce que les forces socialdémocrates ne sont pas écosocialistes, parce que les forces d’extrême gauche ne visent pas le changement par l’action politique parlementaire et gouvernementale. Le projet écosocialiste implique une prise de position claire en matière de sortie du productivisme, et de « révolution démocratique ». Vega ne partage pas l’objectif de renforcer une extrême gauche qui aurait mis – de manière purement tactique – à l’arrière-plan son option stratégique révolutionnaire et sa conception du rôle dirigeant du parti d’avant-garde[4.Après avoir tenu en 2008 un congrès des plus orthodoxes, le PTB annonce un aggiornamento de leur vision du socialisme pour… 2015.] pour ne plus avancer qu’un programme de revendications immédiates et démagogiques – telle que la TVA à 6% sur l’énergie du PTB, par exemple – sous le titre « pour une société plus sociale ». Si le PTB peut espérer l’un ou l’autre élu, il souffre d’un lourd héritage et ne peut raisonnablement pas espérer influer fortement le paysage politique. Vega, vierge de tous soupçons, peut rapidement convaincre une frange bien plus large de la population. Vega est donc le vote utile, pas nécessairement dans une optique de court terme, mais une élection prépare toujours la suivante. Voter Vega en 2014, c’est créer le contexte d’une réelle alternative pour la gauche, le coup d’après ! Enfin, la camisole productiviste inégalitaire est européenne, c’est par l’Europe que l’alternative se fera. Vega noue des partenariats en Europe avec le Parti de la gauche européenne, première force européenne travaillant à l’Europe sociale, écologique et démocratique. Le candidat de la Gauche européenne à la présidence de la Commission européenne, Alexis Tsipras, venu du parti grec Syriza, a d’ailleurs soutenu Vega, et aucune autre liste. Le vote pour Vega est bien le seul vote utile.