Politique
Di Rupo-Magnette : derrière le combat de coqs
09.07.2017
Cela se chuchote partout, de la RTBF jusqu’au Vif-l’Express, qui évoque même une « conspiration » ourdie par le second pour évincer le premier, rien que ça. La rumeur enfle. Di Rupo n’est plus l’homme de la situation. Il ne maîtrise plus rien. Ayant dépassé l’âge de la retraite, il est largement temps qu’il passe la main… à Magnette, le dauphin qu’il a lui-même désigné en le propulsant d’un seul coup au sommet du parti. Aujourd’hui, celui-ci piafferait d’impatience, aspirant, tel Iznogoud, à prendre la place du calife… Bref, une banale rivalité de mâles dominants, dont on ne nous dira rien des éventuels désaccords de fond.
Désaccord : il y en a un pourtant dont on parle. Face à la tornade éthique qui souffle aujourd’hui sur le monde politique, Magnette s’est prononcé clairement pour le « décumul intégral » des fonctions, là où Di Rupo s’est rallié au « décumul des rémunérations » qui préserve le pouvoir de la nomenklatura des mandataires. Le résultat a été serré. Magnette a bénéficié du soutien de quelques poids lourds, comme Rudy Demotte et Laurette Onkelinx qui ne sont pourtant pas des perdreaux de l’année. On sait déjà que, dans certaines fédérations comme Charleroi et Bruxelles, c’est le « décumul intégral » qui sera appliqué. Mais ce désaccord n’est qu’une péripétie face au défi vertigineux que le PS doit affronter au risque de connaître le sort de ses partis-frères de France et des Pays-Bas.
Dans ces deux pays, le PS s’est complètement effondré lors des scrutins de cette année. Et pourtant, ni l’un ni l’autre n’ont été frappé par des scandales du genre Publifin ou Samusocial. Le désaveu qui les frappe ne concerne ni l’éthique ni la « gouvernance » : il est pleinement politique. Car ni en France, ni aux Pays-Bas, la social-démocratie pourtant au pouvoir n’a été en mesure de protéger son électorat face au rouleau compresseur du néo-libéralisme et des politiques d’austérité. Si, massivement, les électeurs de gauche se réfugient dans l’abstention, c’est parce qu’ils ne croient plus à la volonté des partis socialistes de « combattre le monde de la finance ». À ce constat, les « scandales » ne font qu’ajouter une couche : ils ne veulent plus combattre ce monde parce qu’ils en font partie. Non seulement ils ne peuvent pas, mais, fondamentalement, ils ne veulent pas.
Déficit d’idées ? Au PS, on attend comme le messie les résultats du « chantier des idées » qui reprendra en septembre. Il y aura sans doute du nouveau, à tout le moins sur les institutions et sur la démocratie. Mais tranchera-t-on sur les véritables désaccords stratégiques qui sont des secrets de Polichinelle, alors que la vieille alliance « travailliste » PS-CDH, appuyée sur les piliers traditionnels comme à la belle époque des Golden Sixties, vient d’exploser sans espoir de restauration ? Ne restent en lice que deux orientations : celle que pourrait incarner Jean-Claude Marcourt, dont on connaît le penchant pour des majorités PS-MR à tous les étages, histoire de rassembler toutes les forces vives de la Wallonie qui ne peut plus se permettre des querelles intestines, et celle que pourrait incarner… Paul Magnette. Celui-ci n’a jamais caché son intérêt pour les expériences de Syriza (Grèce) et de Podemos (Espagne) et son option en faveur d’un dépassement de la vieille social-démocratie – il a soutenu passionnément la candidature de Benoit Hamon – , qui passe aussi par un renouvellement radical du casting et une orientation « unitaire » en direction du PTB et d’Écolo, qui ne sont pas forcément disposés à lui faire de cadeau. Quoi qu’il en soit, un simple ravalement de façade ne suffira pas à éviter au PS un destin « à la française ».