Soin et santé
Dernier acte : thanatopracteur, un métier nécessaire mais encore tabou
14.08.2023
Dans le cadre de la nouvelle rubrique « Photo » de Politique (numéro 123 – septembre 2023), nous avons rencontré des étudiant·es en journalisme de l’Université libre de Bruxelles (promotion 2022-2023) avec leur professeur de photo, Gaël Turine, et choisi de publier un des clichés de leur photoreportage sur les métiers du care. (Les reportages complets sont accessibles ici.)
À la morgue de l’hôpital Molière-Longchamps, au sud de Bruxelles, où je suis restée trois semaines, les agents jouent un rôle bien différent des autres membres de l’établissement. Leur mission n’est plus de sauver des vies, mais plutôt de prodiguer un dernier soin. Dernier maillon de la chaîne hospitalière, l’agent de la morgue considère chaque défunt comme un individu unique qui mérite une attention particulière.
« Rendre à la famille leur proche », voilà l’essence du travail de Joëlle Hocquet, thanatopractrice et responsable de la coordination des morgues pour les hôpitaux Iris Sud.
De l’arrivée du corps, jusqu’à son ultime départ, Joëlle est présente. Les gestes répétés mille et une fois sont empreints d’une tendresse et d’une précaution infinies.
La morgue, hors du temps, est régie par un silence absolu. Parfois, les réfrigérateurs de la chambre froide grondent, rappelant ainsi la réalité du lieu. L’immobilité des longs jours s’interrompt par la sonnerie du téléphone signalant ainsi la marche à suivre : chercher le défunt, prodiguer les soins de présentation, conserver le corps au frigo, contacter la famille, s’occuper des formalités administratives, et enfin, coordonner la mise en bière.
Pour Joëlle, travailler avec les défunts a toujours été une vocation. Petite, elle voulait « maquiller les morts ». Travailler à la morgue n’est pas toujours facile : « C’est un métier difficile psychologiquement. J’ai voulu arrêter. » À l’hôpital, la profession est souvent reléguée au second plan. Pourtant, la morgue joue un rôle essentiel au sein de l’institution : les différents services gériatriques y envoient leurs patients décédés. Malgré ce manque de considération, pour Joëlle, la priorité reste toujours les défunts et leurs familles. En presque trois décennies de carrière, elle refuse de succomber à l’indifférence. Si cela devait se produire, « il serait temps de changer de métier ».
D’autres photographies de ce travail collectif sont présentées sur notre site web.