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Demain la gauche – édito n°126

Scott Szarapka. Unsplash
Scott Szarapka. Unsplash

Un séisme. C’est le mot. Le peuple de Wallonie, celui des terrils et des usines, dont l’ancrage à gauche et la combativité illuminaient l’Europe de l’Ouest, ce peuple wallon semble lui aussi avoir basculé vers la droite. Le MR, mouvement rétrograde mené par un jeune populiste aux dents aiguisées, lui est passé devant aux élections de juin 2024. Une revanche pour ce Montois ambitieux ayant grandi dans l’ombre et la détestation du tout-puissant parti d’Élio Di Rupo.

Comment en sommes-nous arrivés là? Il y a cinq ans, la gauche régnait en maître, en apparence du moins. Les luttes sociales et les victoires matérielles, sa présence sur le terrain, son maillage local, ses liens préservés avec les représentant·es des travailleurs et travailleuses, tout cela contribuait à son hégémonie culturelle. Le coq était rouge et les succès grandissants du PTB ne semblaient pas démentir cette vérité qui passait pour éternelle.

À Bruxelles également, le revirement progressiste était acté. «Le message néolibéral ne passe plus», affirmait le libéral bruxellois Alain Courtois après les élections communales de 2018. Cette situation aurait pu être alors exploitée comme il se doit, et comme le réclamaient de nombreuses voix dans le peuple de gauche.

Politique lançait ainsi, au lendemain des élections de juin 2019, un appel pour une «portugaise » à la belge (sur le modèle du gouvernement mis en place par Antonio Costa à partir de 2015, alliant le Parti socialiste et les gauches radicales) : « la conclusion d’un accord de gouvernement mêlant les différentes nuances de la gauche, qui mettrait en œuvre des politiques fiscales, sociales et climatiques audacieuses en rupture franche avec l’austérité (…) et permettrait d’expérimenter pour la première fois en Belgique ce que serait un gouvernement exclusivement composé des partis de gauche, comme d’autres ont pu le faire ailleurs en Europe» («PS, Écolo, PTB : prenez vos responsabilités !», paru dans Politique et Le Soir, mardi 11 juin 2019).

Pour une revue de débat, l’heure n’est donc plus seulement au dialogue entre les tendances, mais à penser les moyens de reconquérir l’hégémonie culturelle.

Trop tard? Trop tôt? En tout cas, l’alliance n’a pas eu lieu, et Bouchez a pu, ces dernières années, tenter de rapprocher la Belgique francophone de la tendance générale en Europe, en jouant notamment de toutes ses forces pour neutraliser ou amoindrir les mesures portées par le PS et Ecolo – façon «particip-oppositon» –, avec un succès qu’il convient de reconnaître. Face aux droites qui servent de plus en plus de marchepied à l’extrême droite, en cette heure grave pour la Belgique et l’Europe, la revue Politique a donc plus que jamais un rôle à jouer.

Pour une revue de débat, l’heure n’est donc plus seulement au dialogue entre les tendances et les chapelles, mais à la pensée des moyens d’une reconquête de l’hégémonie culturelle. Ce qui nécessitera sans aucun doute de penser le fond et la forme, la matérialité des enjeux sociaux et culturels, et la stratégie.

Penser le monde de demain et celui d’aujourd’hui. Faire triompher le progrès, la paix, la justice, l’égalité et le bien-être de toutes et de tous, contre les obscurantismes de droite, d’une droite toujours plus radicale. Nous mesurons la hauteur de l’exigence et des défis. Et nous réussirons, car nous n’avons pas d’autres choix.