Politique
Déficit et rigueur
15.10.2009
L’Olivier aurait pu se retrouver à la tête de la Communauté française et des Régions wallonne et bruxelloise dans de meilleures conditions. Se partager la misère n’est pas un exercice enthousiasmant. Peut-on voir plus loin que le bricolage budgétaire ? Oui, sans doute…
Déficit : le mot est lâché. Soit, c’est mieux que «faillite». De même, «rigueur» c’est mieux qu’«austérité». Pourtant personne n’est dupe. En Belgique, comme on n’a plus assez d’argent pour financer l’action publique, il faudra, dira-t-on pudiquement, l’assainir. Le trou est de 25 milliards au fédéral, de 611 millions à la Communauté française. En attendant qu’il soit comblé, ceinture. À moins d’aller chercher les sous qui manquent dans d’autres poches. Mais lesquelles? Le plus lamentable, c’est quand les communautés et régions se défaussent sur le fédéral et réciproquement. Comme si l’enseignement méritait plus d’égard que la sécurité sociale, ou l’inverse. L’austérité, c’est toujours pour les autres… même si c’est finalement sur les mêmes qu’elle pèse. Mais ces petits jeux médiatiques se déroulent «à fiscalité globalement inchangée». Personne n’envisage de toucher à la pression fiscale (la diminuer on ne peut pas, l’augmenter on n’ose pas) ni à ses grands équilibres internes qui traduisent en chiffres le rapport de forces entre les multiples intérêts catégoriels. Au maximum, on procédera à des glissements marginaux pour encourager des modes de consommation plus vertueux. Tout le monde s’est rallié à la fiscalité verte qui consiste à soutenir ou à pénaliser certains comportements en fonction de leur impact énergétique. Il y aurait beaucoup à dire sur le périmètre des bonnes pratiques à récompenser – faut-il décourager l’usage de la voiture ou encourager l’achat de «voitures propres», encourager la pose de panneaux solaires ou décourager la construction de villas à quatre façades, encourager le déménagement des travailleurs vers leur lieu de travail ou promouvoir le travail à domicile? – mais il reste surtout le grand paradoxe de l’écofiscalité : les recettes fiscales diminuent au fur et à mesure que les comportements les plus civiques se généralisent. Contrairement à la droite qui a viré sa cuti depuis longtemps, la gauche n’a toujours pas pris toute la mesure de l’épuisement du modèle social-démocrate qui s’est institutionalisé en Belgique dans une concertation sociale généralisée. Celle-ci est typiquement un enfant des Trente Glorieuses, de cette époque révolue où, sur fond de croissance économique et d’optimisme technologique, il était possible d’améliorer en même temps les revenus et les conditions de vie de toutes les catégories sociales, selon un schéma gagnant-gagnant. Depuis, la crise écologique a fait toucher du doigt les limites physiques de la croissance et la mondialisation a rendu largement inopérants les compromis sociaux négociés dans les cadres nationaux. Alors, dans la poche de qui? Celle des riches, bien sûr. À gauche, on répète justement que les moins nantis n’ont pas à payer la crise deux fois : une fois par la diminution de leur pouvoir d’achat, une seconde fois par une augmentation de la fiscalité qui les frapperait. Le drame, c’est que dans un monde où les capitaux peuvent s’expatrier par un simple jeu d’écritures, les riches en question n’ont aucune difficulté à mettre leur fortune à l’abri Et ceci vaut aussi pour les classes moyennes qui exigent de leur banque des rendements élevés pour leur épargne, sans être trop regardantes sur la provenance de ces rendements. Tant qu’on n’aura pas réussi à juguler sérieusement l’évasion fiscale, toute politique qui aurait des ambitions redistributrices sera vouée à l’échec. C’est pourquoi, de tous les côtés, on fait mine de redécouvrir les deux revendications emblématiques de l’altermondialisme : l’abolition des paradis fiscaux – qui n’existent que par la volonté des grands États et dont les institutions financières les plus respectables, comme, au hasard, BNP-Paribas, usent et abusent – et l’instauration d’une taxe de type Tobin sur les mouvement spéculatifs de capitaux. Prenons au mot ces libéraux qui vantent désormais les vertus d’un capitalisme éthique, en veillant bien à se démarquer des cyniques de l’argent fou. La Belgique devrait porter ces deux exigences au niveau européen. Nous verrons bien alors si le Barroso nouveau, qu’on nous annonce plus progressiste que l’ancien, sera susceptible d’entendre un tel discours. 1er octobre 2009.