Elections 2024 • Processus démocratique
Dans un an, réformer de fond en comble ?
03.07.2023
Les prochaines élections législatives auront lieu le 9 juin 2024, l’Europe a tranché. L’Europe ? Oui. La Constitution belge prévoit que le renouvellement des parlements de Communauté et de Région a lieu en même temps que les élections pour le Parlement européen. De plus, depuis 2014, l’élection de la Chambre des représentants coïncide avec ces autres scrutins. Sauf chute du gouvernement De Croo et élections fédérales anticipées, le 9 juin 2024, les électeurs belges éliront donc 150 députés fédéraux, 124 députés flamands, 89 députés bruxellois, 75 députés wallons, 25 députés germanophones et, accompagnés des ressortissants européens résidant en Belgique, 21 députés européens. En outre, le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (dont l’appellation constitutionnelle est « Communauté française »), le Sénat, et les trois assemblées bruxelloises des Commissions communautaires seront également renouvelés.
Chaque citoyenne et chaque citoyen belge émettra donc trois votes, pour le Parlement européen, pour la Chambre et pour le Parlement flamand, wallon ou bruxellois. Quelques-uns auront quatre votes à effectuer. Les Belges établis en Communauté germanophone éliront en outre le parlement de cette dernière. Et les Bruxelloises et les Bruxellois qui auront choisi de voter pour une liste néerlandophone à l’élection du parlement régional seront invités à voter également pour le Parlement flamand. Une nouveauté concernera les jeunes de 16 à 18 ans : à condition de s’inscrire préalablement au registre des électeurs et électrices auprès de leur commune, ils et elles pourront voter pour le Parlement européen ; comme les ressortissants des autres États membres de l’Union européenne, ces jeunes électeurs et électrices n’auront qu’un seul vote à émettre.
Parmi tous ces scrutins, le fédéral est important sinon décisif pour l’avenir de la Belgique et c’est celui qui génère le plus de craintes, eu égard à la longueur de la crise politique qui a précédé et suivi les dernières élections, le 26 mai 2019. Il a fallu plus de 15 mois pour que le gouvernement De Croo voie le jour. Depuis le 1er octobre 2020, la coalition dite Vivaldi associe pas moins de sept partis (PS / MR / Écolo / CD&V / Open VLD / SP.A / Groen) et ce gouvernement rencontre de nombreuses difficultés pour dégager des accords en son sein, notamment quant aux perspectives de septième réforme de l’État. C’est cette dernière qui retiendra ici notre attention, tant un accord sur le plan institutionnel paraît conditionner la mise en place du prochain gouvernement fédéral.
Vers une septième réforme de l’État ?
La Belgique est probablement le seul État au monde à numéroter les différentes phases de réforme de ses institutions. À ce jour, six réformes de l’État y ont eu lieu (1970-1973, 1980-1983, 1988-1990, 1992-1993, 2001, 2011-2014) et ont transformé un État autrefois unitaire en État fédéral. Un État fédéral qui présente des caractéristiques singulières, dont une des plus marquantes est sans doute la complexité de ses institutions. Les entités fédérées y sont de trois types (Communautés, Régions, Commissions communautaires) et se superposent ; en tout point du territoire, au moins une Communauté et une Région exercent leurs compétences. Alors que, dans un État fédéral, le citoyen est soumis habituellement à deux niveaux de pouvoir, outre le niveau communal, (le canton et la Confédération en Suisse, le Land et la République fédérale en Allemagne, etc.), en Belgique il est toujours soumis à trois niveaux. En outre, par le mécanisme des transferts de compétences, chaque entité fédérée dispose de pouvoirs différents de sa voisine : la Région wallonne a transféré l’exercice de certaines compétences à la Communauté germanophone, la Communauté française a transféré l’exercice de certaines compétences à la Région wallonne et à la Commission communautaire française (COCOF), et la Communauté flamande exerce toutes les compétences de la Région flamande.
Une autre caractéristique importante du fédéralisme belge réside dans son caractère inabouti. C’est ainsi que là où les États fédéraux disposent d’une chambre haute assurant la représentation des entités fédérées (Bundesrat allemand, Sénat américain, Conseil des États suisse), dotée de compétences et de pouvoirs comparables à ceux de la chambre basse, la Belgique a conservé un « sénat-croupion », qui n’exerce plus que quelques rares compétences et ne représente pas les entités fédérées sur un pied d’égalité. La répartition linguistique des sénateurs, comme celle des députés d’ailleurs, constitue l’illustration la plus évidente qu’en dépit de l’existence des Régions et des Communautés, l’État belge repose en vérité, y compris mentalement, sur une structure bipolaire qui oppose, au moins autant qu’elle les réunit, Flamands et francophones.
La structure institutionnelle belge est complexe. Elle est en outre mouvante, comme rappelé ci-dessus, et répond à une dynamique centrifuge : les compétences de l’Autorité fédérale sont progressivement transférées aux entités fédérées. Si, en 1993, l’adoption d’une réforme destinée à parachever la structure de l’État avait fait croire un temps à certains, plus nombreux du côté francophone, à une stabilisation des institutions, les décennies suivantes les ont détrompés. Ce mouvement se poursuit ; du côté flamand, une majorité d’acteurs politiques réclament davantage de compétences pour la Flandre. Parallèlement, devant la complexité des institutions, et la difficulté de former un gouvernement fédéral, d’autres réformes structurelles sont estimées souhaitables par beaucoup.
Si le gouvernement De Croo s’est formé, après l’échec de discussions avec la N-VA, autour d’un programme dénué de projets institutionnels, il a tout de même mis à son programme la préparation d’une future réforme. Estimant qu’il existait « un consensus général pour dire que la répartition des pouvoirs est susceptible d’améliorations », l’accord de gouvernement mentionnait comme objectif « une nouvelle structure de l’État à partir de 2024 avec une répartition plus homogène et plus efficace des compétences dans le respect des principes de subsidiarité et de solidarité interpersonnelle », ce qui « devrait conduire à un renforcement des entités fédérées dans leur autonomie et du niveau fédéral dans son pouvoir » (Accord de gouvernement, 30 septembre 2020, p. 79). Les étapes annoncées par Alexander De Croo pour préparer la réforme de l’État n’ont toutefois pas produit les résultats escomptés. Le large débat démocratique sur le sujet s’est incarné essentiellement dans la consultation citoyenne organisée via le site « un pays pour demain », qui n’a pas rencontré un franc succès, et les travaux de la commission parlementaire mixte (14 membres du Sénat et 14 membres de la Chambre) chargée d’évaluer les réformes de l’État n’ont pas non plus débouché sur des suggestions concrètes d’améliorations. Les deux ministres chargés des réformes institutionnelles, Annelies Verlinden (CD&V) et David Clarinval (MR), n’ont jusqu’ici pas déployé conjointement d’autres initiatives marquantes. Les différents partis qui composent la Vivaldi avancent des propositions de réforme, tel l’Open VLD qui défend la création d’une circonscription électorale fédérale et se prononce en faveur de la suppression du Sénat. D’une façon générale, les partis flamands semblent se préparer plus activement à cette future réforme de l’État que leurs homologues francophones.
Aménagements ou grand chambardement ?
Les propositions de réformes institutionnelles peuvent être regroupées en trois thèmes.
Il y a tout d’abord les transferts de compétences vers les entités fédérées, chers notamment à la N-VA. Si, du point de vue de l’observateur belge francophone, l’Autorité fédérale semble avoir déjà été dépouillée de bien des prérogatives, on observera que dans de nombreux États fédéraux, des compétences qui sont demeurées fédérales en Belgique sont exercées par les entités fédérées. Ainsi en va-t-il de la justice et de la police, du régime des cultes ou même de la sécurité sociale, qui sont des compétences partagées entre les Länder et l’Autorité fédérale allemande ou entre les cantons et la Confédération suisse. La situation de la Belgique, toutefois, rend la perspective de nouveaux transferts potentiellement angoissante. Si ceux-ci s’accompagnent d’un impératif d’autofinancement pour les entités qui les reçoivent, ils mettront les francophones dans une situation difficile. S’ils maintiennent en revanche une solidarité nationale, fondamentale en particulier pour le financement de la sécurité sociale, ils risquent de ne pas rencontrer le soutien nécessaire du côté flamand. La négociation pourrait bien se dérouler entre des Flamands réclamant davantage d’autonomie et des francophones demandant plus de sous. Cette perspective éclaire une observation que l’on a déjà pu poser à différentes reprises : ce qui fait défaut à la Belgique, ce n’est pas l’un ou l’autre dispositif institutionnel, mais la volonté de faire avancer ensemble l’intérêt commun au niveau du pays… C’est bien cette volonté qui manque, ce déficit d’unité nationale qui donne à l’approfondissement du fédéralisme son caractère périlleux.
Il y a ensuite la simplification des institutions. L’existence de neuf ministres de la Santé (voire 10), martelée pendant la crise du Covid-19 – en dépit du fait que ce nombre de ministres ne paraisse pas avoir constitué un obstacle majeur à la gestion de la crise sanitaire – a mis en lumière la complexité institutionnelle auprès du grand public. Celle-ci est particulièrement marquée dans la région bruxelloise, où sont compétentes, outre l’Autorité fédérale, pas moins de cinq pouvoirs législatifs : la Région de Bruxelles-Capitale, la Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles), la Communauté flamande, la Commission communautaire française (Cocof) et la Commission communautaire commune (Cocom). Outre cette complexité institutionnelle, la coexistence de deux réseaux d’écoles, de crèches ou encore de bibliothèques est difficilement compréhensible pour les personnes qui s’installent à Bruxelles, et dont bien souvent ni le néerlandais ni le français ne constituent la langue usuelle. Depuis quelques années, le modèle d’une Belgique reposant sur quatre entités, a gagné en popularité. Il existe toutefois (au moins) deux visions sensiblement différentes de ce projet que l’on peut résumer comme le modèle 4×1 (avec quatre entités dotées des mêmes pouvoirs) et le modèle 2+2 (où 2 entités ont plus de pouvoirs que les deux autres).
Dans le modèle 4×1, la Flandre, la Wallonie, Bruxelles et ce qui constitue actuellement la Communauté germanophone et a pris le nom usuel d’Ostbelgien seraient des entités fédérées dotées des mêmes compétences et des mêmes pouvoirs. Ce modèle impliquerait que l’Ostbelgien ne fasse plus partie de la Wallonie ni de la province de Liège. En fait, il s’agirait de repartir des quatre régions linguistiques et de faire correspondre le modèle institutionnel à cette division territoriale opérée déjà en 1962-63. Mettre en place ce modèle imposerait de supprimer les Communautés, la Région bruxelloise recevant alors les compétences actuellement exercées sur son territoire tant par la Communauté flamande que par la Communauté française (ou par la Cocof). Les Commissions communautaires disparaîtraient. En très bref, ce modèle présente deux écueils : comment garantir adéquatement les droits de la minorité néerlandophone de Bruxelles, et comment gérer au niveau régional des compétences qui dépassent, du fait de leur nature, les frontières régionales ? On pensera en premier lieu à l’enseignement supérieur, universitaire ou non, et aux médias de service public. Des solutions sont possibles pour rencontrer ces difficultés : pour la première, maintenir la représentation garantie des néerlandophones dans les institutions bruxelloises et développer des garanties pour le développement et le soutien d’institutions néerlandophones dans la capitale. Pour la seconde, retransférer au niveau fédéral les compétences (par exemple, en Suisse, les médias de service public des trois langues dépendent de la Confédération) ou conclure des accords de coopération entre entités.
Dans le modèle 2+2, deux entités fédérées, la Flandre et la Wallonie, seraient dotées de plus de compétences et de pouvoir que les deux autres (Bruxelles et l’Ostbelgien). A priori, dans ce modèle, la Flandre et la Wallonie exerceraient certaines compétences à Bruxelles, et la Wallonie dans l’Ostbelgien. Puisque ce modèle répondrait lui aussi à un objectif de simplification, on suppose que les Commissions communautaires disparaîtraient.
Qu’il s’agisse du modèle 4×1 ou 2+2, l’adopter poserait inévitablement la question de l’influence de ce nouveau modèle sur les institutions fédérales, qui sont quant à elles encore organisées sur le modèle du 1+1 : néerlandophones et francophones, répartis dans deux groupes linguistiques, se font face au Parlement fédéral et leur représentation est prédéterminée dans une série d’institutions (Conseil des ministres, Conseil d’État ou Cour constitutionnelle, pour citer des exemples importants). Dans un État fédéral, il est habituel que les entités fédérées jouissent d’une représentation équivalente, quelle que soit leur taille, dans la chambre haute du Parlement fédéral (ainsi en va-t-il du Sénat américain, du Conseil des États suisse ou du Bundesrat allemand). Pourrait-on envisager un Sénat belge composé du même nombre de sénateurs des quatre entités fédérées ? Ou du même nombre de sénateurs flamands et wallons et d’une plus petite représentation des Bruxellois et des germanophones ? L’heure semble plutôt à la disparition de la vénérable assemblée, souhaitée même par sa présidente…
Si l’évolution vers une Belgique basée sur 4 entités fédérées se confronte à des difficultés pratiques, quel que soit le modèle retenu, il se heurte surtout à des difficultés politiques : le modèle 2+2 est plutôt prisé en Flandre, alors que le modèle 4×1 à la faveur des régionalistes wallons, des germanophones et d’une partie des Bruxellois. Ajoutons encore que la Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles) conserve d’ardents défenseurs, et qu’il n’y a, pas plus au Nord qu’au Sud du pays, de consensus autour du modèle souhaitable.
D’autres simplifications institutionnelles, moins drastiques, sont également envisageables. Du côté francophone, la Communauté française pourrait transférer l’exercice de l’intégralité de ses compétences à la Région wallonne et à la Cocof, ou seulement de certaines d’entre elles, conservant l’enseignement, les médias ou la culture, traits d’union entre les deux régions. En ce cas, on pourrait parler de modèle 4 +1. Une proposition de modèle 4+2 préconise la même évolution du côté néerlandophone, de manière à permettre aux Bruxellois de gérer eux-mêmes pleinement des compétences telles que celles liées à la formation professionnelle, à la santé ou au handicap.
Il y a enfin la réforme de la gouvernance. Depuis la fin de l’année dernière, les révélations se succèdent à propos du financement de la vie politique (compléments de pension, indemnités défiscalisées, dépenses mobilières somptuaires…) et l’opinion publique paraît de moins en moins encline à accepter que la classe politique vive sur un grand pied. Des réformes des rémunérations et indemnités, des pensions ou du statut global des parlementaires pourraient ainsi être portées. Le financement des partis politiques est quant à lui actuellement en débat à la Chambre, nourri notamment par les propositions du panel citoyen We need to talk. Par ailleurs, des initiatives de participation citoyenne organisées par le politique ont vu le jour ou se sont développées durant cette législature : pétitions citoyennes à la Chambre, à Bruxelles et en Wallonie, commissions délibératives au Parlement bruxellois et désormais au Parlement wallon, assemblées citoyennes en Communauté germanophone. Un renforcement de tels dispositifs, jugés propices à l’endiguement de la désaffection pour la démocratie représentative constatée par les enquêtes d’opinion, pourrait peut-être se trouver au menu de la prochaine réforme de l’État.
Le fossé entre le monde politique et les citoyens et citoyennes se nourrit également de la distance qui existe entre le vote exprimé et le gouvernement formé à la suite des élections. Distance entre le programme du parti de son choix et le contenu de l’accord de gouvernement, et, plus prosaïquement, distance également entre la date du scrutin et la prestation de serment du gouvernement, en tout cas fédéral. Le gouvernement De Croo a été mis en place 494 jours après les élections du 26 mai 2019, sans battre le record de 541 jours détenu par le gouvernement Di Rupo, constitué le 5 décembre 2011, soit bien après les élections du 13 juin 2010. Si la mise sur pied du gouvernement Di Rupo avait été retardée par la négociation de la sixième réforme de l’État, aucun accord institutionnel n’est venu marquer la formation du gouvernement De Croo. Ce sont avant tout les résultats du scrutin du 26 mai 2019, avec l’émiettement du corps électoral et son comportement très différent au Nord et au Sud du pays, qui expliquent qu’il a fallu sept partis pour constituer le gouvernement. On peut avancer que désormais, et de façon structurelle, la constitution d’un gouvernement fédéral, basé sur un accord négocié entre des formations politiques nombreuses positionnées tant selon un axe idéologique gauche-droite que selon un axe Nord-Sud (Flamands versus francophones) sera une tâche ardue. Sur la base de ce constat, des propositions de réformes destinées à faciliter ou hâter la mise en place de ce gouvernement ont vu le jour, telles l’instauration d’une pénalité financière pour les partis, le retour aux urnes en l’absence d’accord dans un certain délai, ou encore la coalition miroir (un gouvernement fédéral constitué sur la base des coalitions mises en place en Wallonie et en Flandre). Des éléments relatifs au fonctionnement des institutions fédérales pourraient donc bien se retrouver au menu institutionnel.
C’est pour quand, cette réforme ?
Les réformes de l’État sont souvent longuement négociées et connaissent un accouchement douloureux. Ainsi, le processus qui conduira à la sixième réforme de l’État a été inauguré le 22 avril 2010, lorsque l’Open VLD, présidé depuis 5 mois par un certain A. De Croo, décide de « retirer la prise » du gouvernement Leterme II, mécontent du blocage autour de la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde. L’accord autour de la sixième réforme de l’État sera conclu dix-huit mois plus tard, le 11 octobre 2011. Aujourd’hui (et demain, après les élections du 9 juin 2024), la situation apparaît au moins aussi compliquée. D’une part, les partis qui ont conclu la sixième réforme de l’État (à savoir les trois familles politiques traditionnelles et les écologistes) ne disposeront plus ensemble, selon toute vraisemblance, des majorités nécessaires pour mener à bien une telle réforme (majorité des deux tiers pour modifier la Constitution et adopter des lois de réformes institutionnelles et, en plus pour ces dernières, majorité au sein de chaque groupe linguistique de la Chambre et du Sénat) ; il faudra donc négocier avec la N-VA, dont le programme institutionnel est « dur », pour le résumer pudiquement. Entre la position de l’Open VLD, parti du Premier ministre, qui verrait bien le Sénat disparaître, une circonscription fédérale advenir et peut-être également certaines compétences retourner au niveau fédéral, et celle de la N-VA qui a réaffirmé sa volonté de faire advenir un confédéralisme dont les contours restent flous mais dont on voit bien qu’il impliquerait de lourds transferts de compétences vers les entités fédérées, il y a plus que de la marge. Tout comme il y en a également entre les 20 sièges prédits à la N-VA par le dernier sondage et les 6 sièges prédits à l’Open VLD également… Une alternative serait que le PTB-PVDA puisse fournir un appoint suffisant de l’extérieur et soit disposé à le faire, et que les autres partis acceptent ce soutien (et son éventuelle contrepartie). Il est peu probable que cette succession de conditions se réalisent.
Les conditions sont donc peu favorables (c’est un euphémisme) à la conclusion rapide d’un accord institutionnel, d’autant moins qu’il n’apparaît pas clairement que tous les partis aient actuellement un programme institutionnel très clair. On est donc très loin du scénario optimiste tracé par A. De Croo lors de son entrée en fonction comme Premier ministre et qui prévoyait la préparation de cette réforme par la Vivaldi, qui aurait pu ensuite se présenter devant les électeurs avec un projet institutionnel cohérent et un front uni pour le défendre. Il est donc vraisemblable que nous allions vers de longs mois d’atermoiements puis de discussions, à moins qu’une actualité dramatique (telle une nouvelle pandémie, une extension du conflit russo-ukrainien ou une dégradation marquée des finances publiques) n’impose la mise en place rapide d’un gouvernement de gestion de crise, sans programme institutionnel. Bref, une chose paraît quasi certaine : la réforme de l’État n’est pas pour 2024. Elle pourrait cependant être au rendez-vous en 2025.
En Belgique, les négociations importantes sont souvent lentes à démarrer mais se concluent très souvent dans l’urgence, au terme d’interminables discussions entre présidents de partis jusqu’au bout de la nuit. Une alternative à ce modus operandi pourrait être d’admettre que ce pays a véritablement besoin d’une grande refonte institutionnelle, et de confier à une assemblée constituante le soin de réécrire une Constitution, en partant d’une page blanche ; il s’agirait donc de convoquer un nouveau Congrès national. Mais cette assemblée serait sans doute rapidement bloquée par les mêmes obstacles et les oppositions entre les partis et les régions et communautés du pays qui pèsent sur le Parlement fédéral, à moins qu’elle ne soit constituée par un mécanisme alternatif, tel le tirage au sort de ses membres. On entre là dans de la politique-fiction, ou plutôt dans une fiction institutionnelle, qui verrait une petite révolution précéder la septième réforme de l’État…
(Image de la vignette et dans l’article sous CC-BY-SA 2.0 ; puzzle défait, prise par Olga Berrios en juillet 2008.)