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Contrer la N-VA

Tout le monde s’en préoccupe. Dans le monde politique et dans les médias. En français et en néerlandais. Mais quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, quoi qu’il se passe, les nationalistes flamands engrangent. On se persuade que s’ils gagnent les élections en juin 2014, la Belgique explose et la sécurité sociale, pierre angulaire de notre modèle social, explose avec. Tout devrait être entrepris pour l’éviter. La N-VA fait son beurre sur deux fronts. Front 1 : le front socio-économique. Argumentaire : l’Europe nous donne d’excellentes consignes pour redresser notre économie (austérité, dérégulation, pression sur les salaires et les retraites), mais ce gouvernement Di Rupo ne l’entend que d’une oreille. Front 2 : le front communautaire. Argumentaire : l’archaïsme wallon interdit toute modernisation dans le cadre belge où il impose des compromis boiteux aux Flamands qui ont tout intérêt à en finir avec la Belgique. En face, on reste tétanisé. La situation est doublement douloureuse pour les partis socialistes, minoritaires au sein d’un gouvernement de centre-droit dont ils assument la direction et appelés à rendre des comptes à leur base traditionnelle qui ne s’y retrouve plus.

« Pour contrer la N-VA, la perspective d’une Belgique à quatre régions est une arme beaucoup plus efficace que l’Union sacrée des francophones à laquelle certains semblent toujours s’accrocher. »

Mais c’est surtout sur le front 2 que la cacophonie est totale. Du côté francophone, on ne comprend plus rien à la valse hésitation où s’opposent les « partisans de la Région » et ceux de la « fédération Wallonie-Bruxelles », dont le nouveau président du PS voulait faire le creuset d’une nouvelle nation. Pour ces derniers, qui donnent encore le ton, seule une imbrication profonde des intérêts francophones peut faire pièce aux prétentions hégémoniques flamandes. Si on persiste dans cette voie, c’est tout bénéfice pour la N-VA. Car, paradoxalement, l’option « wallobrux » ne fait que perpétuer le face à face Flamands-francophones qui consacre la « Belgique à deux » qu’une certaine Flandre a toujours privilégiée. Pourtant, c’est probablement en manœuvrant sur le front 2 qu’on pourrait utilement faire bouger les lignes, en modifiant résolument la configuration du champ de bataille. Dans ce but, on annonce qu’une remise en ordre « intra-francophones » est sur les rails. Les différents partis semblent s’y engager à contre-cœur et sans guère de vision, tant l’écheveau des intérêts semble inextricable. Le statut d’irresponsabilité d’une revue nous libère des prudences politiciennes. Nous optons donc résolument pour une Belgique à quatre régions telle que l’avait esquissée Johan Vande Lanotte lors de son tour de piste comme formateur. Horizon de cette option : la disparition des Communautés en tant que niveau de pouvoir au sein de la fédération belge. Cette option qui connaît aujourd’hui une deuxième jeunesse rendra la structure fédérale de la Belgique enfin lisible et compréhensible pour ses citoyens découragés et ses observateurs incrédules. Elle restituera à chaque espace de citoyenneté la pleine maîtrise de paquets de compétences liées. Ainsi, l’enseignement ne sera plus coupé artificiellement de la planification économique et de la politique de l’emploi, et les politiques dites d’intégration ne seront plus démantelées entre un volet social et un volet culturel. Enfin, Bruxelles pourra s’affranchir de ses multiples tutelles paralysantes en s’émancipant de l’apartheid institutionnel qui sépare (dans l’enseignement, dans la santé, dans les politiques culturelles et de cohésion sociale…) les Bruxellois entre eux sur base d’un critère d’appartenance linguistique très peu pertinent. En outre, un tel engagement non équivoque des partis francophones permettra d’envisager d’une manière nouvelle les relations avec la Flandre, où la droite nationaliste se nourrit d’un affrontement ethnique qui brouille les vrais enjeux de société et sépare les progressistes du Nord, du Sud et du Centre. La N-VA est un alibi trop commode pour justifier la frilosité institutionnelle du monde politique francophone qui se contente souvent de répéter no pasarán en boucle. Pour la contrer, la perspective d’une Belgique à quatre régions est une arme beaucoup plus efficace que l’Union sacrée des francophones à laquelle certains semblent toujours s’accrocher.