Politique
Comment ôter un sparadrap ?
09.05.2023
Cet article a paru dans le n°122 de Politique (mai 2023).
« Stikstofcrisis » (crise de l’azote) en Flandre, crise de l’accueil des personnes migrantes au fédéral, tensions autour de l’organisation d’un master en médecine à Mons pour la Communauté française, friche Josaphat à la Région bruxelloise, affaire du greffier du parlement en Wallonie… Autant de dossiers qui empoisonnent les majorités. Quelle approche adopter pour ôter un sparadrap ? Tirer d’un coup sec ou, au contraire, procéder par petits pas ? Les entités belges semblent favoriser cette dernière piste, tandis qu’à l’inverse, en France, le gouvernement a tranché d’un coup net la question des retraites.
Ces deux approches, diamétralement opposées, mettent en évidence les différences des systèmes politiques entre la Belgique et ce voisin qu’on observe toujours de près. Les conséquences à court terme ne sont évidemment pas les mêmes : la Belgique continue de vivoter, à tous les niveaux de pouvoir, et il n’est même pas sûr que la majorité de la population soit très au fait de ces non-événements, alors que tous les Français semblent être descendus en rue pour marquer leur opposition catégorique à l’augmentation de l’âge du départ à la retraite.
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Bien entendu, les problèmes ne sont pas comparables, ni par leurs enjeux ni par leurs conséquences. Rappelons cependant que la coalition suédoise a fait relever l’âge de la pension à 67 ans en Belgique. La contestation s’est alors évidemment exprimée en-dehors de l’hémicycle, mais les manifestations n’ont pas connu l’ampleur de celles organisées en France aujourd’hui. Sans doute la tradition et la structure de la concertation socio-économique a-t-elle pu amortir le choc, mais cela pourrait faire l’objet d’une autre chronique.
À la faveur de ces manifestations dans l’Hexagone, on (re-)découvre qu’un système typiquement majoritaire comme la France peut prendre des décisions sans… majorité (en réalité sans vote au parlement), grâce au fameux article 49.3 de la Constitution. À l’inverse, en Belgique, alors qu’aucun parti ne rêve même d’une majorité à lui seul, les coalitions doivent rassembler leurs forces et compter leurs membres avant chaque vote au parlement.
Si d’aucuns peuvent parfois se déclarer tentés par une majorité alternative, cela ne constitue pas moins qu’un coup de canif dans le pacte de coalition. Cette option a été fréquemment émise ces dernières semaines, car l’on prend sans doute plus facilement des libertés avec l’accord de majorité en fin de législature et que ce n’est plus au parti partenaire qu’il faut donner des gages, mais à l’électrice et à l’électeur. Plus tôt dans le mandat, une majorité alternative sur un dossier précis aurait pu précipiter la coalition dans une crise majeure et mener au remplacement pur et simple de l’attelage gouvernemental, impliquant un passage par l’opposition durant l’ensemble de la législature pour au moins un des partis. On le rappelle, au contraire de la France (ou du fédéral), les Régions et Communautés en Belgique ne peuvent passer par la case élections anticipées
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Finalement, le gouvernement de la Communauté française, tout comme l’exécutif français, a choisi de garder le cap et d’assurer la stabilité gouvernementale. Il est probable, après ce stress test grandeur nature, que la coalition belge francophone tienne jusqu’aux élections. En France, les jours de la Première ministre ne semblent plus comptés, mais une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de sa tête. Un mandataire constitue en effet un fusible plus facile à faire sauter qu’une coalition, même bancale.
(Image de la vignette et dans l’article sous CC-BY 2.0 ; Jan Jambon lors d’un évènement de la Voka en novembre 2019, prise par la Voka.)