Guerres et conflits
Comment atteindre la paix en Ukraine ? (4/4)
18.01.2024
Une désescalade… à certaines conditions. La réponse de Laurent Vogel à Grégory Mauzé
Je suis d’accord avec toi Gregory sur le fait que défendre l’intégrité territoriale ukrainienne et l’existence du peuple ukrainien constituent des bases pour des initiatives communes. La spécificité du Resu est double. Nous entendons construire une solidarité « du bas vers le bas » en mettant en contact des acteurs de la société civile et des forces progressistes d’Europe avec leurs équivalents en Ukraine. C’est une exigence pratique en raison de l’importance prise, dans la guerre, par des formes d’auto-organisation indépendantes de l’État sur tout le territoire ukrainien.
C’est une garantie pour un avenir indépendant et démocratique par après. C’est aussi l’occasion de discuter ensemble, à partir d’expériences historiques opposées, et de surmonter une approche « ouest-européenne » qui nie les spécificités et l’expérience propre des sociétés post-soviétiques. L’autre spécificité du Resu est notre indépendance par rapport aux États et aux alliances militaires. Nous soutenons les mouvements sociaux d’Ukraine dans leur double lutte : repousser l’agression russe et refuser que la guerre – et ensuite la reconstruction – ne serve de prétexte à une remise en cause des droits sociaux et syndicaux, des droits humains et démocratiques, de l’égalité entre hommes et femmes, de la non-discrimination, des droits des minorités nationales, linguistiques ou ethniques.
Le mot d’ordre de désescalade est apparu dès les premières contre- offensives ukrainiennes et avec les livraisons d’armes, qui ont permis à l’Ukraine de réduire l’écart en termes de capacités militaires. Après la révélation des crimes de Boutcha et les nombreux rapports d’organisations de droits humains sur les territoires occupés, on ne peut que partager la crainte de l’Ukraine vis-à-vis d’une solution provisoire qui ne ferait que geler le conflit et maintiendrait un régime de terreur dans les territoires occupés. Mon opinion, partagée par le Resu, est qu’il appartient à l’Ukraine de définir le moment et les conditions dans lesquelles une trêve peut être envisagée. Une paix durable ne se résume pas au silence des canons.
Elle implique des garanties internationales fortes pour que l’Ukraine ne fasse pas l’objet de nouvelles agressions. Elle implique aussi des réparations et des poursuites contre les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
La solidarité ne s’oppose pas à la paix. Elle y contribue. Elle peut jouer sur le rapport de forces entre les deux pays, préparer des conditions où la Russie cessera de poser des exigences inacceptables pour des négociations, comme la reconnaissance de la souveraineté russe sur les quatre régions annexées en septembre 2022. D’autre part, la solidarité internationale du bas vers les bas est aussi une contribution à la lutte des organisations progressistes ukrainiennes contre les courants nationalistes, isolationnistes et chauvins, qui aiment présenter l’Ukraine comme une citadelle héroïque du monde libre. Les liens que nous créons aujourd’hui seront également utiles dans la période d’après-guerre, où se déroulera une lutte acharnée sur l’avenir de l’Ukraine.