Guerres et conflits
En débat. Comment atteindre la paix en Ukraine ? (1/4)
18.12.2023
Entre les militant·es des deux manifestations de février 2023, les « samedistes » et les « dimanchistes », les échanges peu amènes vont bon train, en particulier sur les réseaux sociaux. Pour sortir de cette logique stérile, Politique a proposé à Gregory Mauzé, co-président de la Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie (CNAPD) et Laurent Vogel du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine (Resu), de prendre le temps du débat. Pour, peut-être, trouver un terrain d’entente ?
Baisser le niveau de conflictualité
Cher Laurent, la mission du mouvement pour la paix a toujours été de faire reculer la logique de guerre dans la justice, en agissant auprès des décideurs de son propre camp. D’abord, parce que nous ne disposons que de moyens limités, pour infléchir l’action extérieure d’une puissance étrangère, aussi agressive soit-elle. Ensuite, parce que nous estimons que les options belligènes, c’est-à-dire vectrices de guerres, prises en notre nom, nous obligent. Alors que la chute de l’URSS pouvait permettre d’envisager une gestion de la paix et de la sécurité à l’échelle du vieux continent, fondée sur la coopération plutôt que sur l’affrontement, le bloc euro-atlantique a, au contraire, cherché à instaurer un ordre unipolaire dominé par les États-Unis : élargissements de l’OTAN à l’Est, en violation des engagements programmés en 1997; intervention militaire illégale au Kosovo en 1999 contribuant au délitement de la norme internationale ; retrait des États-Unis du traité antimissiles balistiques en 2001…
Si rien ne justifie la décision du régime de Vladimir Poutine de franchir le point de non-retour, force est de constater que la hausse des tensions régionales liées à l’OTAN, à une époque où la Russie ne représentait pas une menace, l’a en partie rendue possible. Il est par conséquent de notre responsabilité de faire baisser, de façon structurelle, le niveau de conflictualité dans la région. Ceci nécessite d’œuvrer dans un premier temps à créer les conditions d’un cessez-le-feu en Ukraine, à même de conduire à des négociations vers une paix juste, respectueuse du droit international et de l’ensemble des composantes de l’État ukrainien.
Il est objecté à cette analyse et aux conclusions politiques qui en sont tirées, de faire fi des Ukrainien·nes, premières victimes de ce conflit, lequel serait en dernière instance le produit d’un impérialisme russe séculaire. Si ce dernier est bien réel, cette seule grille de lecture, outre qu’elle nous exonère de toute responsabilité, a pour conséquence de proposer comme unique horizon l’écrasement total de la Russie. Ce qui est déraisonnable, vu le danger d’un affrontement direct entre les puissances nucléaires, vers lequel la surenchère militaire nous entraîne inexorablement.
Or, si l’on perçoit mal, aujourd’hui, les risques d’un excès de pacifisme, on peut en revanche d’ores et déjà saisir les premiers effets d’un effacement du camp de la paix dans un climat qui confine au maccarthysme : poursuite de l’évolution de l’OTAN vers un impérialisme assumé; hausse vertigineuse des dépenses militaires au détriment de la transition sociale, écologique et solidaire; retour, enfin, d’une petite musique néoconservatrice que l’on croyait disparue avec les fiascos afghan, irakien et libyen, véhiculant une image manichéenne des relations internationales, dans laquelle nous incarnerions un «camp du bien» qu’il serait désormais vraisemblablement impossible de critiquer.