Politique
Climat : La gauche au pied du mur Paris après Copenhague et Varsovie : échec interdit (présentation)
31.08.2015
Face à cette prise de conscience forcée par les événements et plus seulement par les prévisions, les réponses politiques demeurent étonnamment peu créatives et ancrées dans un wishful thinking dépassé. La foi aveugle dans les technologies et les solutions de marché servent d’écran de fumée et empêchent la mise à l’agenda des pistes plus radicales que l’ampleur des défis impose d’explorer. À quelques mois du Sommet de Paris[1.Conférence de Paris sur les changements climatiques (30 novembre – 11 décembre 2015), dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et du Protocole de Kyoto.], l’optimisme n’est hélas pas de mise : le business as usual demeure le principe directeur des négociations internationales et la crise économique agit comme prétexte à renouveler les atermoiements. Le texte actuellement en discussion est sans doute plus éclairant par ses omissions et ses tabous que par son contenu explicite. Au rythme actuel d’accroissement des émissions de CO2, la température mondiale devrait avoir augmenté non pas de 2, mais de 6°C d’ici la fin du siècle. L’ampleur des défis nécessite des réponses bien plus que techniques. D’après Daniel Tanuro, c’est une vraie transformation systémique, incompatible avec le capitalisme, qui doit être entreprise. Celle-ci requiert de comprendre que la crise écologique est aussi le symptôme le plus menaçant d’une crise beaucoup plus globale. Si le capitalisme est un des spectres qui hante les débats autour des réponses à la crise, Hervé Jeanmart, Charlotte Luyckx et Louis Possoz montrent que l’idéologie de la croissance et le productivisme en constituent deux autres. La substitution intégrale des énergies renouvelables aux fossiles relève largement de l’utopie et l’invocation incantatoire de l’efficacité énergétique et du progrès technique permet de ne pas se poser la gênante question des limites de la croissance. Le déni est parachevé, comme l’explique Grégoire Wallenborn, lorsque les discours néolibéraux s’attellent à la transformation rhétorique des enjeux climatiques en une opportunité de croissance plutôt qu’une occasion de remise en question de celle-ci. L’ambiguïté foncière du concept d’« efficience énergétique » agit en l’occurrence comme une trompeuse panacée. En se basant sur l’étude du texte volumineux actuellement en négociation, Pablo Solon démontre à quel point les « solutions » en cours de discussion sont largement insuffisantes, faute d’intégrer véritablement la contrainte de réduction de l’utilisation des énergies fossiles – et de non extraction de 80% des réserves connues – et de se fixer des objectifs contraignants à court terme. Les transformations systémiques requises pour répondre au défi du changement climatique sont loin de se limiter à la seule question des sources d’énergie. Laurence Lyonnais illustre, pour le cas des systèmes agricoles, à quel point c’est la fin de l’agrobusiness qui est en jeu – et dès lors la rupture avec les principes qui ont régi plus d’un demi-siècle de développements en matière de production alimentaire. Un des acteurs indispensables à la réussite des transformations est le mouvement ouvrier. Dans sa contribution, Lydie Gaudier défend le principe de transition juste porté par les syndicats. Les tensions entre les logiques de la proie et celles de l’ombre s’y laissent lire en filigrane. Enfin, la difficulté – en même temps que la nécessité – d’articuler le rouge et le vert dans les politiques de transition est mise en évidence dans la contribution d’Edgar Szoc sur les débats internes aux courants écosocialistes. Intellectuellement stimulants, ils illustrent également la gageure que constitue la construction d’un front social suffisamment large pour imposer des politiques à la hauteur des enjeux. Ce Thème a été coordonné par Daniel Tanuro.