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Chronique électorale : Ecolo 1999, PTB 2018

Rainbow
Rainbow
On n’a pas fini d’épiloguer sur l’échec de toutes les négociations communales qui impliquaient le PTB en Wallonie et à Bruxelles. Reste que c’est la première fois que de tels pourparlers eurent lieu, alors qu’aucun des protagonistes ne semblait s’y être vraiment préparé. Les sondages avaient beau annoncer les excellents scores du parti marxiste, ce n’était que des sondages et le PTB lui-même avait bien pris soin d’éviter tout triomphalisme prématuré.

Mutatis mutandis, les Verts (Ecolo et Agalev, rebaptisé Groen depuis lors) s’étaient retrouvés dans la même position il y a près de 20 ans à la suite d’un succès d’une ampleur imprévue aux élections du 13 juin 1999. Cette victoire ne devait pas grand-chose aux mérites propres des écologistes mais tout à des circonstances extérieures : un méga-scandale – l’affaire Agusta et le financement occulte des deux partis socialistes qui en furent décapités – et une « crise écologique », les poulets à la dioxine ayant pris le relais de la vache folle. Somme toute, le contexte actuel n’est pas si différent.

Cette combinaison de « questions de société » allait démentir les pronostics électoraux. Les sociaux-chrétiens étaient annoncés perdants, les socialistes s’attendaient au pire tandis que les partis libéraux, dirigés par Guy Verhofstadt et Louis Michel, chantaient victoire avant le scrutin. L’élection passée, ils durent déchanter. Si les deux autres familles traditionnelles reculaient nettement, les libéraux ne progressaient que d’un siège tout en perdant 1 % de leurs voix. Seuls vainqueurs incontestables : les écologistes qui doublèrent leur représentation, passant de 11 à 21 sièges.

Les leaders libéraux et socialistes, qui avaient déjà convolé et publié les bans, se sentirent obligés d’inviter les petits nouveaux à rejoindre leur ménage. Ceux-ci n’étaient pourtant pas numériquement nécessaires. La négociation qui s’en suivit aboutit à un résultat peu enthousiasmant pour les Verts. Leur principal négociateur, Jacky Morael, risqua l’image de l’auto rouge et bleue avec des autocollants verts. Et pourtant, tout le leadership Ecolo plaida pour la participation.

Avec quels arguments ? Très lucidement, la direction d’Ecolo identifia deux arguments en sens opposé. D’une part, les partenaires de la société civile qu’Ecolo avait associés à ses « états généraux de l’écologie politique » estimaient unanimement que le programme du nouveau gouvernement « arc-en-ciel » était insuffisant pour justifier une participation. D’autre part, les électeurs qui, pour la première fois, avaient misé en masse sur les partis verts souhaitaient manifestement voir monter dans les gouvernements une nouvelle génération sans casseroles et n’auraient pas compris qu’elle renâcle alors que la possibilité existait. Sans se l’avouer, cette génération, qui avait fait le tour de la question dans l’opposition, avait besoin de se colleter à l’exercice du pouvoir où elle se lança partout – sauf à Bruxelles – avec pas mal de naïveté. Ecolo n’avait voté la participation qu’à une faible majorité, contrairement aux Verts flamands qui s’y engouffrèrent avec enthousiasme.

Aux élections de 2003, au bout de quatre ans de participation écourtée par la démission de ses ministres, les Verts essuyèrent la pire défaite de leur existence, Ecolo chutant à 4 députés tandis qu’Agalev les perdit tous.

Je ne sais pas si le PTB a étudié cette péripétie, mais c’est comme s’il en avait retiré au moins trois leçons. La première : il ne faut pas entrer dans une coalition quand on n’y est pas arithmétiquement nécessaire. La seconde : il existe bien une « classe politique », un establishment regroupant le personnel de tous les partis de gouvernement qu’une connivence relie. Cette connivence, indispensable pour l’établissement d’une confiance minimale entre partenaires, a opéré au sein des gouvernements « arc-en-ciel » entre libéraux et socialistes, tenant les petits nouveaux à l’écart. La troisième : Ecolo, encore bien tendre, avait cru se dépêtrer de ce « duopole » en pratiquant la « participopposition », un pied dedans, un pied dehors, comptant sur ses liens avec la société civile pour contrer sa minorisation au gouvernement. Cet exercice a échoué. Je ne suis pas sûr qu’il puisse jamais réussir, du moins en ces termes.

Post-scriptum (15 novembre) : un internaute m’a fait remarquer une erreur concernant la majorité de 1999. J’affirme à tort  que les Verts « n’étaient pas numériquement nécessaires ». Or, ils l’étaient, puisque libéraux (41) et socialistes (33) ne comptabilisaient ensemble que 74 sièges dans une Chambre de 150 députés. Il leur manquait donc deux sièges. Toutes mes excuses.