Documents politiques
Charte de la démocratie
24.01.2025
Renouvellement de la charte de la démocratie par les partis se présentant aux élections dans l’espace francophone, 8 mai 2022
Le 8 mai est la date anniversaire de la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie qui a mis fin à la Seconde guerre mondiale en Europe. Elle marque la fin des atrocités commises durant cette période funeste.
Le 8 mai est également la date anniversaire de la signature, par l’ensemble des partis politiques démocratiques francophones de Belgique, de la Charte de la démocratie qui consacre le principe du cordon sanitaire à l’encontre des formations politiques dont le programme ou l’action mettent en péril les valeurs fondamentales et constitutionnelles de notre système démocratique.
Cette Charte a vu le jour pour la première fois le 8 mai 1993 en réaction aux percées électorales des partis d’extrême droite en Belgique.
Une première réactualisation de cette Charte a eu lieu le 8 mai 1998, préconisant une série de comportements positifs dans le chef des mandataires politiques en plus du refus de principe de former toute alliance avec des formations liberticides. Une seconde actualisation a été signée le 8 mai 2002, quelques jours après le choc consécutif à la qualification d’un candidat d’extrême droite au deuxième tour de l’élection présidentielle française. Cette charte renouvelée consacrait un code de bonne conduite entre les partis démocratiques à l’égard des formations ou partis qui manifestement portent des idéologies ou des propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique.
Aujourd’hui, on peut constater l’absence de partis, formations et mouvements d’extrême droite significatifs dans le paysage politique francophone en Belgique – absence à laquelle le cordon sanitaire politique et médiatique a contribué. Par contre, en Flandre, la présence du Vlaams Belang et ses progressions électorales récentes font craindre la banalisation et le progrès des idées véhiculées par des partis et formations d’extrême droite ou de même nature et, au surplus, le risque de bloquer le fonctionnement démocratique de nos institutions.
Le danger que constituent l’extrême droite et ses idées pour notre système démocratique reste présent, de même qu’apparaît le danger potentiel d’autres mouvements ou partis de même nature qui défendent des positions qui violent les principes fondamentaux de la démocratie. Depuis 2002, les exemples en Europe et dans le monde ne manquent malheureusement pas, avec des résultats électoraux élevés, des participations de partis d’extrême droite ou de même nature à des coalitions gouvernementales, des démocraties affaiblies voire disparues et une banalisation des discours racistes, antidémocratiques, discriminatoires et violents qu’on pensait appartenir au passé.
En Belgique francophone, on constate également que l’avènement des réseaux sociaux sans aucune régulation a donné aux idéologies nationalistes, identitaires, discriminatoires et racistes une caisse de résonance qu’elles n’avaient pas jusqu’alors, ce qui leur permet de séduire toujours plus de citoyens. L’avènement d’Internet et des réseaux sociaux, qui représente un progrès technique et social incontestable, permet à l’ensemble des citoyens d’avoir accès sans limite à une information étendue, mais accroît le risque d’une information fausse ou manipulée. Il permet également à chacun de s’adresser directement à tous, sans possibilité de tempérance, de critique ou de mise en perspective, notamment par les médias, les corps intermédiaires organisés ou le monde politique.
Face à la menace grandissante que constituent les idéologies d’extrême droite ou de même nature en Europe pour la cohésion sociale et le vivre-ensemble, pour nos institutions et notre système démocratiques, il est plus que jamais nécessaire de montrer notre détermination à défendre l’ensemble des valeurs fondamentales et principes constitutionnels de notre régime démocratique.
Ainsi, en tant que formations politiques démocratiques, nous réitérons notre engagement de ne pas nous associer au sein d’une coalition politique aux formations ou aux partis qui portent des idéologies ou des propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique, tels que la remise en cause de l’État de droit, le recours à la violence ou le renversement du régime parlementaire ou démocratique.
Nous réitérons notre refus de mettre en place des exécutifs s’appuyant sur de telles formations. Dans le cadre du débat démocratique et à l’occasion des campagnes électorales, nous nous engageons également à ne pas adopter et à condamner tout discours, toute attitude qui aurait pour effet d’amplifier artificiellement les peurs qui font le lit des formations d’extrême droite ou de même nature.
Nous nous engageons à refuser de participer à tout débat ou à toute manifestation auxquels participeraient des représentants de formations ou partis politiques porteurs d’idéologies ou de propositions susceptibles d’attenter aux principes qui fondent notre démocratie.
Nous nous engageons à ne jamais adopter de comportement ou à tenir des propos qui donnent de la visibilité ou qui amplifient des propos reflétant des idéologies d’extrême droite ou de même nature, nationalistes, identitaires, discriminatoires, racistes ou antisémites.
Nous rappelons que le racisme, la xénophobie, la discrimination et l’antisémitisme ne sont pas des opinions mais sont des délits qu’il convient de dénoncer et de faire condamner.
En outre, nous nous engageons à faire adhérer l’ensemble des mandataires et des candidats de nos partis au code de bonne conduite pris en application de la présente Charte et repris en annexe de celle-ci, afin de prescrire l’attitude que ceux-ci doivent adopter face aux formations qui mettent en danger les principes démocratiques de notre système politique.
Au-delà de ces lignes de conduites strictes, nous nous engageons également à promouvoir à l’échelon européen, fédéral, régional, communautaire ou local, des initiatives concrètes dans le but de défendre plus efficacement les valeurs fondamentales de démocratie, de tolérance et de refus de toute forme de discrimination.
Ainsi, nous nous engageons formellement à tout mettre en œuvre pour réaliser les objectifs suivants :
- – Appliquer pleinement et efficacement les législations tendant à réprimer le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie et le négationnisme ou visant à lutter contre les discriminations de toute nature, contraires aux principes démocratiques inscrits dans nos textes de lois, décrets, ordonnances, arrêtés ainsi que dans les textes des traités auxquels la Belgique a adhéré. Ceci implique que des directives claires soient données aux parquets chargés de poursuivre les infractions à ces lois. Par ailleurs, toute condamnation pénale fondée sur une de ces législations devrait automatiquement entraîner l’inéligibilité temporaire des personnes condamnées. Une modification constitutionnelle permettant de correctionnaliser les délits de presse à caractère négationniste est également souhaitable. Enfin, il faut veiller à ce que les législations visant à lutter contre toutes les formes de discrimination soient rapidement adoptées et effectivement appliquées.
- – Mettre en place un dispositif législatif permettant de prononcer la déchéance de certains droits pour les groupements liberticides ou prônant la discrimination. Cette déchéance devrait avoir lieu au terme d’une procédure juridictionnelle transparente et indépendante. Elle pourrait concerner l’ensemble des avantages reconnus aux groupements politiques, sociaux ou culturels en raison de leur participation au bon fonctionnement de notre régime démocratique. Il s’agit notamment du droit à un financement public, à l’accès aux médias ou au droit de négociation ou de consultation dans le secteur des relations sociales. Il est notamment nécessaire de veiller à appliquer strictement d’une part, l’article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 qui permet de priver de financement public les partis qui manifestent leur hostilité envers les droits et libertés garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et, d’autre part, l’article 3 de la loi dite du Pacte culturel du 16 juillet 1973 en vertu duquel les subsides, mandats et moyens d’influence relevant de la politique culturelle ne sauraient bénéficier aux groupements qui n’acceptent ou ne se conforment pas aux principes et aux règles de la démocratie.
- – Prendre des mesures législatives permettant de lutter contre les discours de haine et les idéologies d’extrême droite ou de même nature, racistes, antisémites, identitaires et appelant à la discrimination sur Internet et les réseaux sociaux.
- – Promouvoir les valeurs de démocratie, de citoyenneté et de tolérance au sein de notre système éducatif, en particulier dans le cadre de l’éducation à la philosophie et à la citoyenneté. Promouvoir également l’éducation aux médias et au numérique afin de développer l’esprit critique.
- – Privilégier cette approche pédagogique basée sur l’argumentation et le dialogue au sein de nos structures et par l’ensemble des mandataires et des militants appartenant à nos formations dans l’exercice de leurs mandats à tous les niveaux de pouvoir. En particulier, nous nous engageons à encourager les élus locaux de nos partis à prendre ensemble des initiatives communes pour promouvoir les valeurs démocratiques, combattre les idéologies fondées sur la discrimination par le biais du dialogue direct avec la population.
- – Enfin, nous estimons que la cohabitation harmonieuse de toutes les personnes présentes sur le territoire national, quelles que soient leur origine, leurs croyances et leurs convictions, constitue une condition nécessaire à la réalisation d’une société pleinement démocratique. Aussi, nous appelons l’ensemble des autorités politiques, les pouvoirs publics, les détenteurs de l’autorité publique, les partenaires sociaux, les responsables pédagogiques dans le monde de l’enseignement et de l’éducation permanente, les membres de la société civile et les représentants des cultes à faire société ensemble, à promouvoir le dialogue et à prôner la tolérance et le respect mutuel des opinions, idéaux, cultures et croyances de chacun.
Enfin, nous invitons tous ceux qui adhèrent à cet engagement à signer et faire connaître cet appel en vue de signifier expressément :
- 1. Son soutien à cette Charte ;
- 2. Son adhésion aux principes contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que dans la Constitution, et plus particulièrement aux principes contenus dans les lois du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie, du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale et du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination et contre les discriminations entre les femmes et les hommes ;
- 3. Son engagement à respecter en toute circonstance, y compris sur les réseaux sociaux, les principes contenus dans ces textes fondamentaux ;
- 4. Son engagement à pratiquer la discussion et à informer les citoyens qui n’adhèrent pas et ne respectent pas les principes contenus dans ces textes fondamentaux ;
- 5. Son engagement à ne pas apporter son suffrage aux partis et aux candidats qui se présentent aux élections et dont les idéologies et programmes sont contraires aux principes contenus dans ces textes.
Paul MAGNETTE Parti Socialiste | Georges-Louis BOUCHEZ Mouvement Réformateur | Rajae MAOUANE Ecolo | |
Jean-Marc NOLLET Ecolo | Maxime PRÉVOT Les Engagés | François DE SMET Défi |
Code de bonne conduite entre partis démocratiques à l’encontre des formations ou partis qui manifestement portent des idéologies ou des propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique
La bonne conduite à l’encontre des formations ou partis, belges ou étrangers, qui manifestement portent des idéologies ou des propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique est définie de la manière suivante :
- 1. Ne pas s’associer à une coalition politique, aux formations ou partis qui manifestement portent des idéologies ou des propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique.
- 2. Refuser de mettre en place des exécutifs s’appuyant sur de telles formations.
- 3. Ne pas soutenir, cosigner ou voter les motions ou propositions dont l’initiative émane de mandataires de ces partis ou formations, quel que soit le sujet de la motion.
- 4. Refuser tout mandat qui aurait été obtenu grâce au soutien ou à l’abstention des mandataires issus de ceux-ci.
- 5. Ne pas soumettre à discussion ou négocier l’adhésion d’un de ces partis ou d’un de ces mandataires en vue du dépôt ou du vote d’un texte ou d’un amendement.
- 6. Mettre tout en œuvre pour éviter de confier une fonction spécifique à un élu issu de ce type de parti ou formation (bureau d’assemblée, rapporteur, président de commission, questure, etc.) ou de permettre à ces élus de se constituer en groupe politique reconnu.
- 7. Ne pas inviter un parti ou une formation de ce type ou un élu issu d’un tel parti ou d’une telle formation à une réflexion ou négociation en-dehors du travail parlementaire (Assises, réformes de l’Etat, etc.) ou d’y participer en cas de présence de ceux-ci.
- 8. Ne pas adopter un comportement de sympathie ou de familiarité aboutissant à la banalisation ou à la respectabilisation des élus, candidats ou militants issus de ces formations ou partis, en Belgique ou à l’étranger et ce, en tout moment et en tout lieu (en ce compris l’ensemble de l’enceinte parlementaire), que l’activité soit directement liée ou non à l’activité parlementaire.
- 9. Ne pas adopter un comportement ni tenir ou répercuter des propos, dans la presse ou sur les réseaux sociaux, aboutissant à banaliser, à donner de la visibilité ou à amplifier des propos à caractère discriminatoire, xénophobe raciste ou antisémite ou des propos tenus par des personnes, vivant en Belgique ou à l’étranger, qui promeuvent manifestement des idées d’extrême droite ou de même nature ou des idéologies ou propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique.
- 10. S’engager à modérer les propos visés au point 9 qui s’exprimeraient sur les comptes réseaux sociaux de nos formations.
- 11. Refuser de participer à toute manifestation, événement, activité auxquels ces partis ou formations ou leurs mandataires, candidats et militants participeraient, en ce compris toute manifestation visant à confronter les opinions des candidats (débat, forum, rencontre, etc.) pendant la campagne électorale.
- 12. Refuser de participer à tout débat audiovisuel ou organisé par des sites internet, des influenceurs ou par des comptes sur les réseaux sociaux auquel un mandataire, un candidat ou un militant issu de ces formations ou partis participerait.
- 13. Refuser de contribuer à un ouvrage collectif de quelque nature que ce soit (journalistique, littéraire, etc.) dès lors qu’un co-auteur appartiendrait à ces formations ou partis.
- 14. Refuser de collaborer à une interview croisée dans les médias avec un mandataire, candidat ou militant issu d’une de ces formations et s’assurer préalablement de la non-utilisation détournée de propos dans le cadre d’une interview non annoncée comme croisée.
- 15. Mettre tout en œuvre pour éviter de mettre à disposition de ces formations et partis ou de ses mandataires, candidats et militants des locaux, infrastructures, services publics ou toute autre ressource.
- 16. Mettre tout en œuvre pour empêcher tout rassemblement, manifestation ou défilé sur la voie publique organisé par une formation d’extrême droite ou de même nature.
- 17. Éviter de donner à ces formations ou partis une publicité dont ils tireraient bénéfice. Dans cet objectif, la concertation entre partis démocratiques sera privilégiée en vue de dégager de manière commune la mise en œuvre la plus opportune du présent Code.
Ce code de bonne conduite s’applique en tout lieu et en toute circonstance aux partis signataires, à leurs mandataires, à leurs candidats et à leurs militants.
Paul MAGNETTE Parti Socialiste | Georges-Louis BOUCHEZ Mouvement Réformateur | Rajae MAOUANE Ecolo |
Jean-Marc NOLLET Ecolo | Maxime PRÉVOT Les Engagés | François DE SMET Défi |