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Belgique : vers un bloc progressiste comme issue au désastre électoral ?

Vers un Front populaire en Belgique francophone ? Paul Magnette, Raoul Hedebouw, Marie Lecocq et Samuel Cogolati (photomontage Politique).
Vers un Front populaire en Belgique francophone ? Paul Magnette, Raoul Hedebouw, Marie Lecocq et Samuel Cogolati (photomontage Politique).

Contre la montée du bloc des droites, les temps sont peut-être mûrs pour une coalition en faveur des travailleuses et des travailleurs.

Encore la veille du 9 juin, la gauche (PS, Écolo, PTB) était largement majoritaire dans le corps électoral en Wallonie et à Bruxelles. Elle s’est réveillée groggy. Contre les sondages, toutes ses composantes, bien qu’à des degrés divers, se sont écrasées en Wallonie.

À Bruxelles, il y eut bien la surprise du PS et le succès du PTB. Mais ces résultats ne compensent pas la défaite subie par les écologistes qui n’ont récolté que 9,8% des voix, soit une perte, tout comme en Wallonie, de la moitié de leur électorat (-9,3%) et de leurs élus (-8). La coalition de droite (MR, Les Engagés) ne dispose cependant pas, comme en Wallonie, de majorité à Bruxelles et tente d’associer le PS au gouvernement laissant présager ainsi des tractations laborieuses.

Si l’expression, souvent raillée, «sans les socialistes ce serait pire» a incontestablement du vrai, elle manque aussi de perspectives et devient mortifère. La défense des acquis se fait au prix de concessions et l’absence de projet plombe l’avenir. L’usure du PS en Wallonie dans des alliances avec la droite et le refus du PTB de s’engager dans une majorité de gauche auront sapé la crédibilité de ces trois partis de gouverner à gauche, et entraîné le recul des trois formations.

Ce qui paraissait impossible la veille pourrait-il, face au danger imminent, devenir possible le lendemain ?

À Bruxelles, par contre, le bon comportement du PS s’est accompagné du succès du PTB, de telle sorte que la droite, malgré l’effondrement d’Écolo, ne dispose pas, à elle seule, d’une majorité.

La Belgique, dans ses composantes (fédérale, régionale et communautaire) sera donc gouvernée à droite. Il ne s’agit pas seulement là d’une droitisation, mais d’une extrême droitisation de la politique du pays, qui ne se réduit pas aux seuls partis dominants en Flandre (la N-VA et le Vlaams Belang) mais ruisselle sur les autres partis au Nord comme au Sud.

Vers un front progressiste

Au temps heureux où la gauche était majoritaire en Wallonie et à Bruxelles, mais gouvernait au centre dans des coalitions avec des partis de droite, la FGTB plaidait dans un désert pour la constitution d’un gouvernement de gauche regroupant le Parti socialiste (PS), Écolo et le Parti du travail de Belgique (PTB-PVDA).

Aucune des trois formations n’a jamais donné la moindre chance à une telle démarche unitaire. Comme en France avec la constitution du Nouveau front populaire, rassemblant les formations de gauche (LFI, PS, EELV, PC) qui s’invectivaient pourtant encore la veille, en Belgique aussi, l’unité à gauche pourrait-elle constituer une issue au désastre à notre porte? Tout comme en France, ce qui paraissait impossible la veille pourrait-il, face au danger imminent, devenir possible le lendemain?

Aux élections précédentes de 2019, à la sortie des urnes, les majorités de gauche en Wallonie et à Bruxelles avaient tourné le dos à des coalitions de gauche et formé des gouvernements de centre. Ces partis ont non seulement perdu des plumes dans des compromis boiteux, mais aussi leur crédibilité face à une demande sociale de plus en plus exigeante. Pour paraphraser les Indignés de la Puerta del Sol, à Madrid en 2011, nous pourrions dire que «puisque les partis de gouvernement ont empêché la gauche de rêver, les électeurs ont décidé de les empêcher de dormir».

À l’heure actuelle, syndicats, mutuelles et associations restent prudents avant l’établissement des coalitions et les programmes des différents gouvernements. Jean-François Tamellini, pour la FGTB wallonne, dit entrer d’ores et déjà « en résistance » et Thierry Bodson, président de la FGTB, réitère un appel à un «front des progressistes» qui regrouperait syndicats, mutualités, associations et partis de gauche. Après un tel désastre électoral, les temps seraient-ils mûrs pour clarifier le champ politique ?

Dans les pays du Nord de l’Europe, qui disposent, comme nous, d’un système électoral proportionnel, les scrutins opposent traditionnellement un bloc réunissant les formations social-démocrate, écologiste et de gauche à un autre bloc, regroupant les partis du centre et de la droite. Il revient au bloc majoritaire de constituer la coalition gouvernementale. Ce n’est qu’en absence de majorité dans l’un des blocs que se forment des coalitions hétéroclites.

Le défi des élections communales

Au départ non seulement des partis, mais aussi des syndicats, des mutuelles, des mouvements sociaux, écologistes et des associations culturelles, un « bloc de gauche » pluraliste, respectant la diversité de ses composantes, peut-il prendre forme en Wallonie et à Bruxelles?

Pour ne pas rester lettre morte, les prochaines élections communales en octobre 2024 pourraient être une occasion d’expérimenter une telle démarche. Il est en effet courant que les partis scellent, de manière secrète ou publique, des accords de majorité préélectoraux. PS, PTB et Écolo ne pourraient-ils pas, dans certains communes, avec des programmes élaborés avec des associations locales et des comités de quartier constituer de tels accords? Ce serait assurément là une autre manière de faire politique.