Politique
Après Copenhague
01.02.2010
L’échec de la Conférence des Nations unies sur le Climat qui s’est tenue à Copenhague en décembre 2009 n’est pas une surprise. Il ne fait que confirmer cette intuition : on ne peut confier l’avenir de la planète à un système qui, pas nature, est voué à la détruire
Il y a juste un an, le journaliste Hervé Kempf publiait un essai au titre définitif : Pour sauver la planète, sortez du capitalisme (Stock) ! Si Kempf a raison, il n’y a rien à attendre d’autorités politiques qui ont largement prouvé leur soumission aux mécanismes du marché et à sa finalité, l’accumulation du capital. C’est bien toute la limite du pseudo » capitalisme vert » : en tant que capitalisme, il ne peut ralentir la machine de la production. L’imératif de faire fructifier le capital investi dans des cycles de plus en plus courts est contradictoire avec la nécessité de ralentir la croissance, dont le rythme actuel est suicidaire. On ne tranchera pas ici le débat sur la décroissance. Mais on peut d’emblée poser trois principes. Un : l’empreinte écologique globale doit diminuer, car la planète ne la supporte plus. Deux : certaines activités humaines, à l’utilité contestable, doivent absolument décroître, tandis que d’autres doivent s’intensifier, notamment dans la santé, la recherche, l’enseignement, la culture. Trois : aucune mesure linéaire de décroissance n’est acceptable ; seule la consommation des plus riches doit baisser, tout en veillant à ce que l’augmentation du bien-être des plus pauvres emprunte des chemins plus économes que par le passé, en conformité avec les deux principes précédents. Mais le moment de l’épreuve de vérité n’est pas encore venu. Les premières mesures indispensables à la » transition écologique » donnent corps à une forme de keynésianisme vert qui semble réconcilier un Daniel Cohn-Bendit et un Jean-Louis Borloo. C’est cela qu’évoquent toutes les allusions au New deal de Roosevelt : il faut injecter de l’argent public dans une politique de grands travaux susceptibles de limiter drastiquement les gaspillages énergétiques et de générer des économies importantes qui, en retour, financeront les travaux. Deux secteurs sont ciblés : l’isolation des bâtiments et la production d’énergie non polluante. Il sera possible de créer des milliers d’emplois » verts « . Ceux-ci compenseront les emplois détruits dans les productions nuisibles qu’il faudra décourager. Cette étape de » productivisme vert « , dans laquelle les divers gouvernements se sont engagés, ne remet pas en cause les compromis sociaux en vigueur. C’est après que les choses se corseront. Car une fois les bâtiments existants isolés et les éoliennes construites, on aura épuisé les marges disponibles et il faudra attendre que les effets positifs se fassent sentir. Ces effets viendront, sûrement, mais lentement. Et ce ralentissement de la croissance est mortel pour le capitalisme. Et seulement pour lui ? On ne peut oublier que, depuis la Libération, le compromis social-démocrate a scellé l’alliance du capital et du travail autour d’un partage proportionnel des fruits d’une croissance postulée sans limites. La gauche n’est pas innocente de cette dérive productiviste. Peut-elle changer de logiciel ? En fait, elle n’a pas le choix. D’autant plus que le logiciel a déjà changé. La mondialisation a rompu le compromis au sein des pays développés, mis en concurrence sauvage avec le monde entier. Plus personne ne croit à l’argutie de la productivité supérieure de notre force de travail. La concurrence internationale a commencé à détruire nos emplois. Une fois épuisés les effets du » keynésianisme vert « , la rupture inévitable avec le productivisme en détruira d’autres. Alors, » sorte du capitalisme » ? Ce serait si simple si on savait comment faire. Comment passer d’un système à l’autre sans casse sociale ? Comment rassurer le monde du travail attaché à la défense de l’emploi ? Comment introduire le temps libre et les activités autonomes dans la comptabilité économique ? Comment faire converger les combats sociaux et environnementaux, bref comment articuler le rouge et le vert ? La force d’une nouvelle utopie concrète doit désormais se combiner avec l’art du possible. Mais n’est-ce pas la quadrature du cercle de la gauche depuis qu’elle existe ? 19 janvier 2010 Retrouvez Henri Goldman sur les blogs de POLITIQUE : http://blogs.revuepolitique.be/