Politique
Antisémitisme
28.04.2004
ANTISÉMITISME: ce mot ne pourrait être défini dans un dictionnaire que comme un antonyme de prêt-à-penser. Le Petit Robert donne la définition suivante d’antonyme: mot qui par le sens s’oppose directement à un autre (exemple : chaud et froid, précise le dictionnaire). L’antisémitisme avec toute l’horreur qu’il charrie, constitue une tache noire qui obscurcit le XXe siècle. En aucun cas, il ne peut être assimilé à du prêt-à-penser. Il en est pourtant certains qui s’autoproclament représentants de l’on ne sait quel judaïsme, qui après avoir fait à tour de bras des procès d’antisémitisme, distribuent abondamment les anathèmes d’antisémite. Lorsqu’on critique la politique du gouvernement Sharon est-on antisémite? Et lorsqu’on critique la politique israélienne en général? Et lorsqu’on critique le sionisme? Si bien qu’être antisémite n’est plus une tare infâmante qui pourrait frapper un individu, mais une diffamation qui déconsidère celui qui la prononce. Lorsqu’on se trouve ainsi traité d’antisémite par les thuriféraires de la politique d’Ariel Sharon, on se trouve en compagnie très honorable : Josy Dubié, Pierre Galand en Belgique, Dominique Vidal, Charles Enderlin, Daniel Mermet, Pascal Boniface et d’autres encore en France. Qui ne serait pas honoré de figurer dans pareille liste? Un procès intenté par 164 personnes, parmi lesquelles Joël Rubinfeld, secrétaire général des « Amitiés belgo-israéliennes », se déroule devant le tribunal de Dinant. Le jugement sera prononcé le 20 avril prochain. De quoi s’agit-il? Le JT de la RTBF avait diffusé le 24 avril 2002 un reportage sur le pillage de la basilique de Bethléem qui laissait à penser que les auteurs des exactions étaient des Israéliens, alors qu’elles étaient l’œuvre de Palestiniens. Cette erreur avait lors de la diffusion du JT suivant, fait l’objet d’un rectificatif. Loin de trouver ce rectificatif suffisant, les plaignants ont cité à comparaître la RTBF ainsi que les journalistes Pascale Bourgaux, Yves Thiran et Michel Konen, pour, tenez vous bien, incitation à la haine raciale. Ce commentaire concernant un territoire palestinien occupé par Israël, serait une incitation à la haine raciale en Belgique! Gageons, comme l’ont déjà indiqué le ministère public et les avocats de la défense, que le tribunal verra dans cette force de frappe (« task force ») d’inconditionnels de la politique israélienne, une volonté d’instrumentaliser la justice pour faire pression sur la RTBF de manière à infléchir sa ligne éditoriale. Comme dans beaucoup d’affaires semblables en France, comment ne pas voir ici autre chose qu’une atteinte à la liberté d’expression? Il ne s’agit pas là d’une action isolée. Les dénonciations de la presse écrite et audiovisuelle qui seraient censées se livrer à une « stratégie de manipulation, de désinformation et de propagande », sont devenues monnaie courante. La théorie du complot que ces accusations tentent d’étayer paraît certes grotesque. La critique des médias demeure cependant une nécessité. Le dérapage se produit lorsque la dénonciation s’accompagne de la menace infamante d’antisémitisme brandie à l’égard de quiconque se permet de critiquer la politique de l’État d’Israël. Le chantage consistant à accuser d’antisémitisme ceux qui critiquent la politique du gouvernement israélien a fait long feu. Si l’on veut lutter contre la montée du racisme et de l’antisémitisme qui menacent nos sociétés, il faut dénoncer sans aucune concession ces fléaux, mais aussi tous ceux qui boutent le feu en instrumentalisant l’antisémitisme pour des causes qui lui sont étrangères. On ne peut accepter la banalisation de l’antisémitisme. Il faut qu’il demeure à jamais un antonyme de tout prêt-à-penser.