Politique
Allonger la durée du travail
10.02.2005
ALLONGER LA DURÉE DU TRAVAIL : En réduisant le temps de travail nous avions fait manifestement fausse route. Au lieu des 38 heures semaine définies par la loi, ne faudrait-il pas revenir aux 60 heures comme en 1850? On ne se portait pas si mal paraît-il à l’époque. Ceux qui ont un emploi ne sont-ils pas en réalité la véritable cause du chômage? Ils coûtent trop cher aux entreprises. Ils empêchent les chômeurs d’occuper leur emploi en raison des délais de préavis trop longs. Les employeurs sont en conséquence dans l’incapacité de les remplacer par d’autres qui coûteraient moins cher. Serait-ce vraiment trop leur demander de travailler plus? Si vous avez des doutes, écoutez Serge Dassault, sénateur maire UMP et PDG du groupe Marcel Dassault. Il n’y va pas par quatre chemins sur France-Inter le 10/12/2004. Les 35 heures? «C’est le cancer de notre économie» répond-il. Qu’est-ce que le cancer? «C’est quelque chose qui nous ronge. C’est quelque chose qui empêche de travailler. C’est quelque chose qui augmente le coût de production. Et avec les 35 heures c’est le chômage assuré». La presse (Serge Dassault est aussi le PDG de la Socpresse, principal groupe de presse français, possédant notamment Le Figaro et L’Express), «doit diffuser des idées saines». C’est-à-dire, explique-t-il, «les idées qui font que ça marche». Il précise : «les idées de gauche sont des idées qui ne sont pas saines. Aujourd’hui, nous sommes en train de crever à cause des idées de gauche». La vérité se trouve donc à l’opposé des mensonges de la gauche. «La vérité c’est la vie. La vie, c’est ce qui marche». Comment sortir de la «fiction» de la réduction et retrouver la «réalité» de l’allongement du temps de travail? Pour Serge Dassault, la réponse est claire. Que chacun travaille autant qu’il veut. Il faut laisser faire la liberté. Mais malheureusement, déplore le sénateur, maire, industriel et patron de presse, «on a des syndicats qui ne comprennent rien. Qui bloquent tout. Ils font la grève si on veut toucher à la SNCF, ils font la grève si on touche à EDF, ils font la grève si on veut toucher aux hôpitaux, ils font la grève si on veut toucher aux écoles. Ils font la grève». Vous croyez que c’est caricatural? La Commission européenne propose une révision de la directive sur l’aménagement du temps de travail. Jusqu’à présent, le temps de travail maximum moyen en Europe était fixé, heures supplémentaires comprises, à 48 heures. Le nouveau texte, en étendant de quatre mois à un an la période de référence servant au calcul des 48 heures hebdomadaires, ouvre la porte à la semaine de 65 heures. De plus, le «temps de garde» n’est plus comptabilisé comme temps de travail. Si cette proposition était adoptée, les nouveaux pays membres n’auraient plus rien à changer dans leur législation. Quant aux anciens, ils n’auraient sans doute, pour sauvegarder leur compétitivité, qu’à s’aligner sur les nouveaux. En Belgique, le patronat revendique tout à la fois un allongement du temps de travail et une dérégulation des heures supplémentaires. Il s’agit, suivant cette nouvelle doxa, de travailler plus pour augmenter la richesse produite. Peu importe que l’allongement du temps de travail entraîne une augmentation du chômage, qu’il creuse les inégalités entre ceux qui ont un emploi et ceux qui en sont privés et que son impact sur la productivité soit mauvais. Les formules de Serge Dassault peuvent paraître pittoresques. Mais il n’y a que l’épaisseur du papier à cigarette pour les distinguer des mots plus châtiés de la Commission européenne ou des revendications de la FEB. Une nouvelle conviction rassemble désormais les piliers de comptoir, les patrons, les technocrates et les économistes : c’est en travaillant plus que l’on devient meilleur. D’autant plus qu’ils seront de moins en moins nombreux à travailler.