Retour aux articles →

82%, une majorité de règlements communaux illégaux sur la mendicité

Sur les 305 règlements communaux visant la mendicité adoptés en Belgique, 253 contiennent au moins une disposition illégale au préjudice des personnes qui mendient. Quand comprendra-t-on que réprimer ou cacher les pauvres ne supprime pas la pauvreté ?

En mai 2023, l’Institut fédéral pour les droits humains et le Service interfédéral de lutte contre la pauvreté ont publié conjointement un rapport dénonçant l’ampleur des violations des droits des personnes qui mendient dans les rues de Belgique. Selon leur enquête, « sur les 581 villes et communes de Belgique (…), 305 disposent d’un règlement sur la mendicité. Pour 253 d’entre elles, l’analyse montre qu’au moins une disposition contenue dans ces règlements pose problème ».

Ainsi, une foule d’aménagements entravent la possibilité de mendier et soumettent les personnes qui y désobéissent à des sanctions disproportionnées : des restrictions géographiques et temporelles alambiquées ou généralisées, des interdictions floues (mendier avec un « animal susceptible d’être dangereux »…) ou contradictoires (« le mendiant ne peut ni solliciter les passants, ni tendre une sébile ou un accessoire analogue »…), des amendes administratives, des détentions au cachot systématiques, voire la confiscation des recettes par la police…

82% des règlements sur la mendicité présentent une disposition illégale contre les personnes qui mendient.

La loi belge de 1993 abrogeant la criminalisation de la mendicité n’a manifestement pas suffi à changer la perspective des autorités publiques, qui considèrent encore que « [de] rendre la pauvreté moins visible dans la ville et d’attirer les investissements, les projets de développement et les citoyens (non pauvres) vers les centres urbains» est un objectif louable1 pouvant être atteint par la répression.

Pas faute, pour la rapporteuse spéciale des Nations unies, de rappeler, en 2011, que « l’interdiction de la mendicité et du vagabondage représente une violation grave des principes d’égalité et de non-discrimination », qu’ « une telle mesure (…) ne fait que contribuer à perpétuer les attitudes sociales discriminatoires envers les plus pauvres et les plus vulnérables »2.

Depuis 30 ans, plusieurs juges ont eu l’opportunité de rappeler à l’ordre certaines de ces 253 villes et communes, mais l’amende honorable n’a pas toujours suivi. En novembre 2023, la Ligue des droits humains, le mouvement ATD Quart Monde et la Fédération internationale des droits humains ont alors décidé de porter une réclamation collective au Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe, pour qu’une loi encadre enfin toutes les villes et communes3. Affaire à suivre…