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56%, le taux de régression de l’extrême droite aux dernières élections wallonnes

Entre 2019 et 2024, l’extrême droite wallonne a vu son score fondre de plus de moitié, victime de la nouvelle ligne conservatrice et illibérale du MR. Une performance pour son président Georges-Louis Bouchez, dont la stratégie évoque à s’y méprendre celle de son modèle, Nicolas Sarkozy, envers le Front national (FN) en 2007…Pour un même retour de bâton 5 ans plus tard ?

Au cœur du triomphe électoral de Georges-Louis Bouchez, une certitude : il existe un vivier électoral à la droite du Mouvement réformateur (MR) qu’une ligne « décomplexée » serait en mesure d’attirer. Depuis l’accession du Montois à la tête du parti en novembre 2019, cette stratégie lui servira de pierre angulaire, au prix d’un abandon du libéralisme social, d’appels du pied à peine voilés à la fachosphère et d’outrances que n’aurait pas reniées Donald Trump1. « Quand la droite s’assume, il n’y a pas d’extrême droite », assurait-il encore à quelques jours des élections du 9 juin 2024.

Deux décennies plus tôt, un autre briseur de tabous s’était déjà essayé avec succès à la manœuvre : Nicolas Sarkozy.

Au regard des résultats, le pari est remporté haut la main. Alors que l’extrême droite glanait 6,2% des suffrages au Parlement wallon en 2019, leur unique liste en 2024, Chez nous, n’en obtient que 2,7, soit une régression de 56%. Selon l’enquête à la sortie des urnes réalisée par le Cevipol, le MR a tout bonnement cannibalisé ses voix, récoltant près des deux tiers des suffrages exprimés en 2019 pour la Liste Destexhe et le Parti populaire (PP).

Deux décennies plus tôt, un autre briseur de tabous s’était déjà essayé avec succès à la manœuvre : Nicolas Sarkozy. Après le traumatisme du 22 avril 2002 et l’accession de Jean-Marie Le Pen au 2e tour de l’élection présidentielle française, le politicien à qui le Montois voue une admiration sans borne avait fait reculer le Front national (FN, devenu Rassemblement National en 2018) de plus de 6 points de pourcentage, au prix d’une réorientation résolument à droite de son parti. « Si certains n’aiment pas la France, qu’ils ne se gênent pas pour la quitter », alla-t-il jusqu’à lancer en avril 2006, référence notoire au mantra de l’extrême droite, « La France, tu l’aimes ou tu la quittes ».

Bouchez lui rendra un lointain hommage en soutenant son collègue libéral, le Ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Pierre-Yves Jeholet, sous le feu des critiques après sa sortie raciste contre le député PTB Nabil Boukili : « Vous n’allez pas nous donner des leçons ici en Belgique. Si ça ne vous plait pas, vous n’êtes pas obligé de rester »…

La médiocrité des dirigeants d’extrême droite au sud du pays n’est pas une fatalité.

On connaît la suite. Loin de faire reculer les idées d’extrême droite, Sarkozy les a banalisées, nourrissant des fantasmes anti-migrants impossibles à assouvir. Ce faisant, il renforça le discrédit de l’action politique.

La voie était alors pavée pour qu’un visage plus présentable du lepénisme porte la flamme à des sommets inégalés, ce qui sera chose faite dès 2012 et ne s’est jamais démenti depuis. Une success story que connaîtra aussi le Vlaams Belang. après avoir virtuellement disparu des radars, suite au succès de la N-VA sur son terrain en 2014. Après avoir été méthodiquement dédiabolisé par son rival nationaliste – et désormais par Bouchez, qui, dans sa hâte illibérale a refusé début avril de le qualifier d’extrême droite2 – le parti de Tom Van Grieken se situe aujourd’hui à son plus haut niveau….

La médiocrité des dirigeants d’extrême droite au sud du pays n’est pas une fatalité. Le président du MR serait donc inspiré de ne pas tirer de leçons trop sélectives de l’histoire politique hexagonale, au risque de rejoindre son modèle au panthéon des apprentis sorciers.