Travail
Accord UBT-Uber : nous faisons notre boulot !
09.12.2022
Cet article fait partie d’un ensemble de réactions publiées conjointement. Elles reposent d’abord sur un article de Jean-Paul Gailly et comprend également une réaction de la CSC et du Collectif des coursier·e·s.
L’économie de plateforme est une réalité, y compris dans le secteur du transport, et elle ne disparaîtra pas. Les secteurs qui ratent le bateau de la transition digitale auront de plus en plus de mal à se maintenir. En tant que syndicat, nous ne pouvons pas être aveugles à la numérisation du secteur. La crise du covid et ses confinements n’ont fait qu’accélérer et amplifier ce changement. Mais, la digitalisation doit se faire de façon sociale !
Un accord mondial
C’est la raison pour laquelle il est important d’être actif en tant que syndicat dans le secteur du transport digital. Notre organisation syndicale internationale ITF (International Transport Workers’ Federation) – à laquelle aussi bien les syndicats de transport de la FGTB et de la CSC sont affiliés – a conclu un accord mondial avec Uber. Un accord dans lequel l’entreprise reconnaît le rôle des syndicats et du dialogue social.
Comme d’autres syndicats membres de l’ITF, l’UBT-FGTB a négocié un accord avec Uber afin de représenter les quelques 5 000 travailleurs qui travaillent déjà actuellement pour Uber en Belgique. Parce que, qu’on le veuille ou non, Uber travaille de façon légale en Flandre et à Bruxelles, vu les règles décrétales votées dans les parlements respectifs.
Les travailleurs des plateformes sont des salariés
Mais que les choses soient claires : pour l’UBT, les travailleurs des plateformes sont et restent des salariés. Sur ce point, l’UBT continue à être en désaccord fondamental avec Uber et d’autres plateformes. L’UBT s’oppose aussi au recours à la législation 2P2[1.Aussi dit « statut De Croo » ou « système d’économie collaborative », ce système permet de toucher un certain montant par an (environ 6000€) exempté d’impôt. (NDLR)] par les sociétés de plateforme. Cette législation fait en sorte qu’en Belgique, les coursiers à vélo de Deliveroo ou d’Uber travaillent toujours sous un statut précaire.
La norme dans le travail sur les plateformes reste qu’il s’agit d’employés. L’UBT considère qu’Uber est un employeur comme beaucoup d’autres dans le secteur du transport et que l’approche de la syndicalisation ne doit pas être différente de celle des autres entreprises de transport dans lesquelles nous opérons en tant que syndicat.
Il est important que les chauffeurs et les coursiers qui travaillent pour Uber sachent que les syndicats ne sont pas leurs ennemis, mais leurs alliés, leurs représentants pour améliorer leur statut. C’est pourquoi il faut organiser le personnel en tant que syndicat. Afin de mener le combat aussi à l’intérieur de l’entreprise.
Car si un syndicat n’est pas représenté dans une entreprise, il est difficile de négocier. Ce n’est qu’en étant présent dans l’entreprise qu’on peut représenter ceux qui y travaillent, que vous pouvez leur donner une voix, que vous pouvez soutenir les travailleurs, les informer et garantir de meilleurs salaires et conditions de travail.
Plus vous avez de membres dans cette entreprise, plus votre voix est forte au sein de l’entreprise. C’est pourquoi il est si important d’organiser le personnel au sein des sociétés de plateforme.
Ensemble on est plus forts, ce n’est pas pour rien le slogan de la FGTB ! Nous avons donc une vision claire du travail syndical et de la concertation sociale. Les travailleurs de plateformes ont quatre revendications principales : améliorer des conditions de travail ; améliorer leur statut et être reconnus comme des ouvriers, faire entendre leur voix par le biais du dialogue social et pouvoir s’organiser dans un syndicat.
L’accord est un premier pas
Avec l’accord que nous avons conclu avec Uber, nous réalisons deux de ces quatre demandes, donc 50 %, et nous sommes bien décidés de continuer le combat pour les autres revendications. Ceux qui se mettent de côté et qui veulent tout ou rien ne réalisent pas de progrès pour les 5 000 travailleurs d’Uber. C’est la mission essentielle d’un syndicat : organiser les travailleurs et veiller à ce qu’ils s’en sortent de mieux en mieux. Pour l’UBT-FGTB, Uber est un employeur comme beaucoup d’autres.
Un exemple ? Une des plus grandes entreprises dans le transport de marchandises en Belgique se comporte de façon tout à fait inacceptable, organise le dumping social, et risque de se faire condamner pour trafic d’êtres humains. Les organisations syndicales ne se mettent pas de côté, mais restent présentes dans cette entreprise. En faisant des accords pour les travailleurs qui y travaillent, mais en restant tout autant extrêmement critique vis-à-vis de l’entreprise. Le même raisonnement nous motive chez Uber. Cela reste une entreprise dont nous combattons le modèle commercial, mais en même temps nous voulons donner aux travailleurs d’Uber ce dont ils ont droit : un syndicat qui se bat pour leurs intérêts.
La concertation sociale, c’est se mettre autour de la table ensemble dans l’intérêt des personnes qui travaillent pour l’entreprise. Ceux qui ont un problème avec cela devraient examiner la pertinence de leur propre travail. Ceux qui ne veulent pas s’engager dans le combat syndical au sein des entreprises de plateforme comme Uber commettent une grave erreur stratégique. Affilier les travailleurs de plateforme à notre syndicat ne fera qu’accroître notre impact, et nous mettra dans une position de contre-pouvoir. Cela est vrai dans toutes les entreprises, y compris Uber. Parce que nous, on fait notre boulot : négocier quand c’est possible, et se battre quand c’est nécessaire.
(Image de la vignette et dans l’article sous CC-BY 2.0 ; manifestation syndicale en septembre 2012, prise par le Secta.)