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Zaventem : retour sur une privatisation

La décision de privatiser la Biac (Brussels international airport company) a été prise en mai 2004, après approbation des comptes de 2003 qui faisaient apparaître un confortable bénéfice (18,9 millions d’euros contre 200~000 euros en 2002).

La procédure de sélection

Divers candidats à l’achat manifestent leur intérêt: des aéroports, un fonds de pension américain, plusieurs opérateurs privés. Assez rapidement, le processus de sélection s’accompagne d’une opacité qui encourage la suspicion. Le 28 octobre 2004, le député Olivier Chastel interpelle le ministre des entreprises publiques, Johan Vande Lanotte, à propos du rapide écrémage effectué par le comité de sélection, qui n’a gardé que deux postulants en compétition: Ferrovial et Macquarie. Ceux ci sont partenaires dans plusieurs projets et gèrent ensemble plusieurs aéroports, dont celui de Sydney. Des rumeurs font alors état d’un retrait annoncé de Ferrovial, laissant seul en course Macquarie. Etait-ce une stratégie délibérée? Quoi qu’il en soit, Macquarie décroche le contrat le 9 novembre 2004 «sur base de son expérience évidente dans la gestion aéroportuaire, ainsi que son engagement et son approche proposés pour l’avenir de l’aéroport». Le groupe australien reprend 70~% des actions de la Biac, l’Etat restant propriétaire des 30~% restants.

Les raisons du choix

Le groupe Macquarie se trouve dans le top 50 des sociétés cotées à l’Australian Stock Exchange, il est aussi le deuxième plus grand propriétaire privé et gestionnaire au monde d’aéroports, dans lesquels passent chaque année 85 millions de passagers (il est déjà actionnaire majoritaire des aéroports de Rome, Sydney, Bristol et Birmingham). Si le groupe australien a réussi à convaincre aussi rapidement l’Etat belge, c’est peut-être pour son savoir-faire ou ses engagements en matière d’environnement ou d’emploi, mais c’est aussi (surtout?) par la somme proposée. Alors que les observateurs citaient initialement le chiffre de 500 millions d’euros, Macquarie va valoriser l’aéroport à plus d’un milliard d’euros. Aussi les actionnaires privés (parmi eux P&V assurances, le Groupe Bruxelles Lambert, les banques CBC et Dexia ou encore Ackermans & Van Haaren) de la BIAC ont-ils vendu sans tarder leurs parts. Compte tenu du prix payé, nombreux sont alors ceux qui pensent que le groupe australien va «se payer sur la bête» en augmentant les tarifs aéroportuaires. Mais, Macquarie annonce son intention de geler les tarifs jusqu’au 31 mars 2011 et de développer les activités annexes; les boutiques et l’immobilier.

Aujourd’hui

Les derniers chiffres de fréquentation de l’aéroport publiés concernent l’année 2005. Le nombre de vol s’est stabilisé à environ 250~000 vols par an. Les vols de nuit ont quant à eux augmenté de 6,31~% entre 2004 et 2005 pour atteindre le chiffre total de 24~567 vols. Près de 20~000 personnes sont employées à l’aéroport dont 713 par la Biac elle-même. Le 19 octobre 2006 la Biac est devenue «the Brussels Airport Company». La direction est toujours confrontée à l’obligation d’assurer un retour sur un investissement lourd. L’aéroport doit donc générer un chiffre d’affaire plus important, c’est à dire accueillir plus de passagers, donc plus de vols, et plus de nuisances pour des riverains déjà passablement excédés par la situation actuelle. Alors que les comités de riverains parlent d’un nombre de 300~000 vols par an comme étant insupportable, Macquarie aurait fixé le quota de rentabilité à 450~000 vols.

Une polémique qui dure…

Dés lors, une polémique va se développer. Née des conditions opaques de la procédure de sélection, cette polémique va être largement alimentée par l’impossibilité pour les associations et les parlementaires d’avoir accès au contrat passé entre l’Etat et Macquarie. Le 13 juillet 2006, la sénatrice Isabelle Durant interpellait le secrétaire d’Etat aux Entreprises publiques à propos de rumeurs selon lesquelles «le contrat de vente de la BIAC à Macquarie comporterait des clauses secrètes, obligeant l’Etat belge à rembourser 500 millions d’euros dans les cas où les clauses contractuelles ne seraient pas réalisées. L’une de ces clauses prévoirait que l’Etat belge s’engage à ce que le nombre de vols minimums à Bruxelles National ne soit jamais limité à moins de 300~000 mouvements de jour et 10~000 de nuit. » M. Tuybens nia toute existence de clause de ce type. Cependant, les doutes et les inquiétudes liés aux conditions du contrat passé entre Macquarie et l’Etat belge n’ont pas été levés, et ne le seront sans doute pas tant que le gouvernement refusera de rendre public ce contrat. La nouvelle Bac n’a pas encore communiqué ses chiffres pour l’exercice 2006 mais les résultats du 2e trimestre font apparaître un bénéfice opérationnel de 49,2 millions d’euros. L’investissement réalisé par Macquarie dans l’aéroport bruxellois s’avère donc fructueux. Pour l’instant…