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Vous avez dit démocratie locale ?

Après cette campagne électorale, l’occasion est bonne de prendre un peu de recul par rapport aux effets médiatiques et aux sondages rabâchés à l’envi. La commune est le premier niveau de pouvoir où le citoyen peut suivre le processus de décision; celui-ci a un impact direct sur sa vie quotidienne. C’est aussi à ce niveau que le terme «mandat» prend son premier sens de manière identifiable par chacun: l’électeur donne mandat à l’élu de gérer la cité ou de contrôler cette gestion. Il ne lui donne pas un chèque en blanc lui permettant de considérer sa responsabilité comme un cadeau ou comme sa propriété privée. Non seulement la campagne n’était pas jolie, mais elle a vu se dérouler des actions étonnantes et se prononcer des discours étranges.

Dans son ouvrage Méditations d’été, Vaclav Havel estime qu’un responsable politique «ne peut être direct en zigzaguant, imposer la vérité en mentant, faire partager l’esprit de la démocratie en recourant aux méthodes autoritaires…». Qu’avons-nous vu? Deux conseillers communaux, à Namur, ont voulu faire respecter les règles de transparence et d’égalité de traitement à propos de dossiers d’aménagement du territoire. Cette exigence légitime leur a valu de se voir attaquer en justice par la firme privée incriminée, liée de prés au bourgmestre. Cette attaque frontale contre la liberté d’expression d’élus communaux est une première inquiétante dans l’histoire politique de notre pays. Le fait que la justice aie donné tort au plaignant, en 1ère instance, ne rassure pas entièrement tant que les pouvoirs régionaux de tutelle n’auront pas fait adopter des décrets ou ordonnances, protégeant l’immunité des élus locaux. Vaclav Havel, encore lui, estime que dans l’engagement politique il y a trois exigences morales: — ne pas cesser de dire certaines choses à voix haute — la politesse et le courage ont un sens, — créer autour de soi une ambiance de générosité, de tolérance et de transparence, — agir directement pour réaliser ses idéaux politiques. Qu’avons-nous vu? Le simple fait que certain(e)s militant(e)s veuillent, à Charleroi, défendre une autre manière de faire de la politique communale au sein de leur parti leur a valu les huées, le dépôt de menaces dans leurs boîtes aux lettres, des injures publiques («grognasses»), j’en passe et des pires. Le fait que l’on ait écarté de certains leviers de pouvoirs les réactionnaires ne rassure pas entièrement. Il faut que les partis édictent des règlements d’ordre intérieur empêchant de telles pratiques d’intimidation et qu’ils stimulent en leur sein la transparence et l’association du plus grand nombre au débat politique. Le maccarthysme était une entreprise de terreur contre tous ceux qui osaient défendre un point de vue critique sur la société américaine des années 1950. C’était une « chasse aux sorcières » violente et perverse dirigée contre les rebelles à la pensée unique de l’époque. Qu’avons-nous lu ou entendu? Parce que d’aucuns voulaient faire respecter les règles de domiciliation des élus communaux, le bourgmestre de Saint Josse a parlé de «maccarthysme» , en exprimant qu’il avait a déjà tellement de mal à trouver des gens convenables pour exercer des fonctions politiques. Voilà donc la «novlangue» décrite Georges Orwell dans «1984», qui est de retour: les démocrates critiques sont les chasseurs de sorcières, les élus dans l’irrégularité sont les victimes. Et au passage le citoyen entend qu’il est vraiment trop c… pour exercer une responsabilité dans sa commune. Les excuses a posteriori du bourgmestre en question ne rassurent pas entièrement. C’est le respect du droit de tout citoyen à participer à la vie de la cité qui doit être pratiqué et affirmé au quotidien. Vous l’aurez compris, «fare la politica» dans sa commune aujourd’hui en Belgique, ce n’est pas facile. Ayons peut-être dès lors d’autant plus d’attention et d’écoute pour ceux qui s’y essaient. En clôturant ce billet, je leur dis: «Good bye and good luck»!