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Stratégie 2020 : vous avez dit « durable » ?

La nouvelle stratégie économique de l’Union, dite «Europe 2020», vise à fixer les bases du futur modèle économique pour la présente décennie. Comme stratégie de «sortie de crise», la Commission propose la relance de la «croissance». Mais cette fois, c’est promis, elle sera «durable, inclusive et intelligente». L’économie tournera donc toujours sur l’obsession de croître. Mais on la mâtine du concept de «découplage», par lequel on entend le découplage de la croissance (en hausse) des pressions qu’elle exerce sur son environnement (en baisse), en misant sur les innovations technologiques. En outre, il est question de croissance «verte», de technologies «vertes», d’emploi «vert». La Commission s’échine par ailleurs à distiller consciencieusement dans l’ensemble de ses politiques les concepts ô combien en vogue de «durable» et de «technologies propres»… Un vocable qui, à y regarder de plus près, s’apparente à la ruse du joueur de flûte de Hamelin. Si la Stratégie 2020 promeut les énergies renouvelables, l’énergie nucléaire constitue une des pièces clés du dispositif de l’instauration d’une économie à «bas carbone». Or, la prise en compte des risques engendrés par cette énergie devrait suffire à la disqualifier définitivement (production de déchets radioactifs pour des millénaires ; risque de prolifération ; menace terroriste sur les sites et transports de matières nucléaires…). Qu’à cela ne tienne, la Commission a affublé l’énergie nucléaire du qualificatif de «durable» Voir sa communication «Investir dans le développement des technologies à faible intensité carbonique (plan SET)» du 7 octobre 2009. Autant dire qu’on n’oserait imaginer ce qu’elle entend par «énergie non durable»… Le charbon peut-être, connu pour émettre davantage de CO2 que le pétrole ou le gaz ? Au contraire, à mesure que ce rapproche le «pic pétrolier», il retrouve la cote. C’est que les réserves en charbon dans le monde restent considérables. L’idée étant à présent de produire un «charbon propre». Mais pour enrayer la recrudescence des émissions de gaz à effet de serre provoquée par l’exploitation du charbon, les autorités européennes investissent massivement dans les technologies de captage et de stockage de carbone. Or, ces technologies qui n’en sont qu’à leurs balbutiements sont non seulement onéreuses et énergivores, mais elles sont des plus hasardeuses. Elles se heurtent entre autres à des limites géologiques (absence de lieux de stockage convenable ou en suffisance) et de sécurité (risques liés à l’enfouissement, fuites, …). Enfin, elles confisquent les financements qui doivent être consacrés aux énergies renouvelables ou la sobriété énergétique. Bref, le «charbon propre» est un mythe… De façon générale, tant que le nucléaire et les énergies fossiles demeurent l’épine dorsale de la politique énergétique européenne, la révolution énergétique reste largement factice. En outre, l’UE prétend montrer l’exemple en matière de réduction d’émissions de CO2 en usant d’artifices. Plutôt que de «dématérialiser» notre économie, la globalisation a pour effet de masquer nos émissions réelles de C02. De nombreux produits de consommation à forte intensité énergétique sont importés des pays pauvres ou émergents et ne figurent donc pas dans l’inventaire des émissions de CO2 des pays industrialisés. Du reste, les «mécanismes de développement propre», qui constituent une des pièces maîtresses du fameux paquet «Climat-Énergie» de l’UE, relèvent d’une logique perfide. Cet instrument permet à un pays de compenser une partie de ses propres émissions en investissant ailleurs dans des efforts de réduction. Or, le Giec rappelle clairement qu’il faut diminuer de 80 à 90% nos émissions d’ici 2050… Pensons-nous vraiment dans ce contexte que cet objectif est conciliable avec l’objectif de croissance ? Ce qu’il nous faut, c’est une politique énergétique qui engendre une réduction réelle de la consommation d’énergie. Ce qui remet en cause, le postulat de la «croissance illimitée». Quant au concept de «développement durable», force est de constater qu’il est devenu un «cache-sexe» d’un modèle économique «durablement» non soutenable. Il est donc urgent de le remplacer.