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Quand les syndicats s’en mêlent

Aujourd’hui, notre confort énergétique est assuré quasi exclusivement par l’utilisation d’énergies fossiles (pétrole – gaz – charbon) et fissiles (uranium des centrales nucléaires) non renouvelables. Les inconvénients des énergies fossiles sont pourtant nombreux. Leur combustion émet du dioxyde de carbone qui est un gaz à effet de serre (GES). Notre consommation d’énergie est donc directement liée aux changements climatiques. Les réserves terrestres en énergies fossiles sont par ailleurs limitées. Nous venons d’atteindre le pic pétrolier, c’est-à-dire que la moitié des réserves pétrolières de la planète ont été épuisées. Depuis les années 1980, aucune découverte significative de nouveaux gisements n’a été réalisée par les géologues.

Cet article a paru dans le n°53 de Politique (février 2008).

On estime qu’il nous reste grosso modo pour 40 ans de pétrole, 60 ans de gaz et 150 ans de charbon. Avec la demande allant croissant et l’émergence de géants tels que la Chine et l’Inde, autant dire que nous en avons encore pour une cinquantaine d’années avant d’atteindre la fin des réserves. Comme la demande dépassera l’approvisionnement, les tensions militaires et les conflits pour l’obtention des réserves subsistantes vont s’intensifier.

De son côté, l’énergie nucléaire présente également de nombreux inconvénients. Les centrales nucléaires doivent être approvisionnées en uranium. Il n’est pas non plus éternel : 65 ans à consommation inchangée. L’énergie nucléaire pose également la question de la sécurité. Nous ne serons jamais à l’abri d’une erreur humaine et la probabilité d’attentats terroristes sur les centrales nucléaires ne sera jamais nulle. Pour couronner le tout, notre consommation énergétique est toujours en expansion. Pourtant la technologie progresse rendant les appareillages plus économes en énergie. Malheureusement, ce gain est largement compensé par la multiplication de ces appareillages. À quoi sert, par exemple, de construire une voiture plus économe en carburant si le parc automobile continue de croître ?

L’énergie en Région wallonne

En Région wallonne, la dépendance énergétique est quasi complète (environ 98 %). L’intensité énergétique L’intensité énergétique est une mesure de l’efficacité énergétique d’une économie. Elle est calculée comme le rapport de la consommation d’énergie et de la production (mesurée par le produit intérieur brut) de notre région est supérieure à celle de tous les pays de l’Union européenne des ex-Quinze. La consommation énergétique industrielle représente 44 % de la consommation énergétique globale, c’est 10 % de plus que la moyenne européenne. Les besoins énergétiques liés aux transports sont en augmentation continue. Dans ce secteur, il faut s’attendre à une hausse de plus de 30 % des consommations d’ici 2010. Les consommations résidentielles sont également en hausse. Les avantages que présentent les énergies nouvelles (renouvelables) ne sont pas négligeables, même si des freins liés à la technologie, aux coûts et à l’aménagement du territoire doivent être dépassés.

Il est essentiel que la Région wallonne développe des programmes de recherche tels que Futur Energy (programme en Recherche et Développement du plan Marshall) afin de devenir la « plus énergétiquement autonome » possible et de diminuer ses émissions de GES. L’accroissement des énergies renouvelables (ER) est également une piste pour le redéploiement économique de la Région. Mais les ER ne constitueront pas à elles seules une réponse à la problématique énergétique. Il sera nécessaire de combiner leur développement à celui de l’utilisation rationnelle de l’énergie (Ure) dans tous les secteurs. Ce qui permettra de diminuer les consommations énergétiques de la Région. La Région wallonne a mis en place des outils pour promouvoir l’utilisation des ER et l’Ure.

Parmi ceux-ci : les certificats verts, les accords de branche, les diverses aides et primes… Elle subventionne également différents acteurs afin de sensibiliser leur public à la problématique environnementale. Parmi ces acteurs, les syndicats ont un rôle fondamental à jouer. La Région wallonne les soutient au travers d’un projet appelé Rise.

Rise, un projet syndical

Depuis 1996, à la FGTB et à la CSC, nous développons en commun des actions sur le thème de l’environnement dans le cadre du Réseau intersyndical de sensibilisation à l’environnement (projet Rise). Le public cible auquel nous nous adressons est constitué principalement de délégués syndicaux d’entreprises Délégués syndicaux : ici le terme désigne aussi bien les représentants des travailleurs dans l’organe de négociation (délégation syndicale – DS) que dans les organes de concertation (conseil d’entreprise – CE – et Comité pour la prévention et la protection au travail – CPPT).

Les objectifs de Rise sont multiples, il s’agit principalement de sensibiliser et d’outiller les délégués afin de renforcer leur capacité d’intervention sur les questions environnementales en entreprises. Pour ce faire, plusieurs actions sont mises en place : formations, développement d’outils pédagogiques, aide aux délégués pour mener des actions dans les entreprises (actions pilotes).

Efficience énergétique en entreprise

L’énergie et plus précisément l’utilisation rationnelle de l’énergie font partie des thèmes abordés dans Rise. Dans un premier temps, il s’agit de convaincre la direction de s’occuper de cette problématique. Le coût du poste énergie (estimé en moyenne de 5 à 8 % du chiffre d’affaires), les contraintes réglementaires de plus en plus sévères (perspective Kyoto II) et l’image de marque de l’entreprise sont des arguments de poids.

“La maîtrise de l’énergie aura forcément des répercussions sur le personnel, que ce soit en termes de changements d’habitudes ou d’adaptation à de nouvelles technologies.”

Les délégués qui deviennent des acteurs de changement ont un rôle de communication à jouer vis-à-vis des travailleurs. Ensuite, nous proposons aux délégués d’influer pour qu’un groupe de travail Énergie soit créé au sein de l’entreprise. Ce groupe est constitué d’acteurs clés (délégation, représentants de la direction, conseiller en prévention, techniciens…) et a pour mission de mener à bien le projet d’efficience énergétique. La mise en œuvre, quant à elle, devra s’effectuer avec l’aide d’experts externes (facilitateurs, bureaux d’études…) mais chaque étape (audit, comptabilité énergétique…) doit faire l’objet d’une évaluation au sein du groupe. Enfin, les membres du personnel doivent être convaincus et impliqués dans le projet. La maîtrise de l’énergie aura forcément des répercussions sur le personnel, que ce soit en termes de changements d’habitudes ou d’adaptation à de nouvelles technologies. Si le personnel est mal préparé à ces changements, la charge psychosociale s’en trouvera élevée mettant en péril tous les efforts technologiques et financiers engagés, fussent-ils importants. Par contre, si l’implication du personnel est maximale, cela peut être très motivant. Les directions d’entreprise ont l’habitude d’utiliser une méthodologie descendante (de type top-down) pour mener un projet. Lorsque ce sont les délégués qui en ont l’initiative, comme c’est le cas pour les actions pilotes menées avec Rise, la méthodologie employée par les délégués est ascendante (de type down–top). C’est une approche atypique mais souvent efficace. Bien entendu, ces deux méthodologies ne sont pas incompatibles, elles peuvent très bien coexister à condition que direction et délégation se concertent pour poursuivre des objectifs communs.

Un cas concret : Neufvilles

En mai 2007, la délégation du Centre Reine Fabiola de Neufvilles faisait appel à l’équipe Rise afin de les soutenir dans leur démarche environnementale. Leur souci : améliorer le tri des déchets et l’efficience énergétique dans les divers bâtiments du Centre. Après réflexion, ils ont décidé de présenter un plan d’actions environnementales à la direction lors du Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT). La direction a donné son accord pour qu’un projet d’utilisation rationnelle de l’énergie soit mené intégrant la formation de personnes relais (environ 50) et celle des personnes handicapées. Direction et délégation ont également convenu que l’environnement serait un thème abordé à chaque réunion afin de faire le point de la situation. Un groupe de travail a été créé.

Afin de mieux initier le projet, le groupe a décidé d’organiser en septembre 2007 une «Semaine de l’environnement solidaire en entreprise » comportant diverses expositions et activités ludiques. Le public visé comportait le personnel du Centre, les résidents mais aussi les enfants des écoles voisines. Pour clôturer la semaine, le Théâtre du Copion est venu présenter un spectacle sur l’impact des changements climatiques sur les populations du Nord et du Sud : « Kyoto, mon amou r». Un débat a fait suite à la représentation. Six cents visiteurs ont participé à cette semaine, ce qui rend le bilan très positif. Un livre d’or était à la disposition des visiteurs pour recueillir leurs commentaires, beaucoup se sont dits sensibilisés par la thématique et remerciaient les organisateurs de les avoir un peu plus éclairés.

Perspectives pour 2008 ? Organiser les formations prévues, faire appel au facilitateur tertiaire de la Région wallonne pour avoir des pistes d’actions en terme d’efficience énergétique. Affaire à suivre…