Sur leur site http://www.metallos.be/actualite/02/11/2009/travailler-vert-et-vivre-pauvre.., les métallos de la FGTB se déchaînent. En ligne de mire : l’emploi vert. Ça commence fort : «L’emploi vert est une stratégie patronale restauratrice du capitalisme dans le cadre d’une nouvelle bulle spéculative. Le renouveau économique vert ne propose pas un changement d’orientation, il reconduit la même chose : toujours plus de croissance et de profits, et encore moins de redistribution. C’est une stratégie d’ajustement. La réduction des inégalités n’aura pas lieu.» Ce qu’ils visent, c’est le «Green New Deal» et sa déclinaison wallonne, le Plan Marshall 2.vert : «Pour tout le monde, et très certainement pour les multinationales, le développement durable est la solution à tous les problèmes. Ces mécènes des temps modernes considèrent que, maintenant, le progrès social, c’est l’amélioration du bien-être dans une “économie bas carbone”. En véritables altruistes, ils remettent en question leur soif de croissance et leur conception productiviste de l’économie pour signifier que, tous ensemble, nous allons réduire notre consommation débridée. Or, pour une grande majorité de la population mondiale, cette fameuse consommation qu’il faudrait réduire, c’est en fait des besoins fondamentaux.» On savait les organisations syndicales peu à l’aise avec la question écologique. Pour les uns, la préoccupation environnementale est presque toujours une machine de guerre contre l’emploi. Pour les autres, c’est un dérivatif qui masque le conflit fondamental entre le capital, prédateur par nature, et le travail.

Non seulement la nouvelle vulgate de la relance verte est devenue le mantra de toutes les forces politiques d’ici et d’ailleurs ainsi que des institutions européennes et internationales, mais le monde industriel et financier a viré sa cuti avec un incroyable culot.

Mais le développement durable ne trouve pas forcément des meilleurs avocats du côté des écologistes pur jus. Sur le site decroissance.org de l’Institut d’études économiques et sociales pour la décroissance soutenable, on pose la question : «La décroissance est-elle contre le terme de “développement durable”?» Et voici la réponse : «Oui, car le développement est d’abord entendu par notre société – où l’économie prime – comme un développement économique et par conséquent comme de la croissance économique.» Qu’est-ce qui provoque cette critique en tenaille ? Assurément le merveilleux consensus qui règne désormais autour de l’idée de relance verte, nouvelle recette miracle pour sortir «par le haut» de la dernière crise bancaire et de ses retombées économiques et sociales. Manifestement, les verts estampillés – les premiers à avoir parlé d’un Green Deal Jean-Marc Nollet, Le Green deal, Le Cri/Etopia, 2008 – ont été dépossédés de leur créature. Ce n’est pas eux que les métallos de la FGTB visent dans leur pamphlet : «Mesdames et Messieurs de la Commission, on peut se poser la question d’équité dans le projet européen de développement durable. L’impérialisme est dans nos murs, et il s’exporte.» Non seulement la nouvelle vulgate de la relance verte est devenue le mantra de toutes les forces politiques d’ici et d’ailleurs ainsi que des institutions européennes et internationales, mais le monde industriel et financier a viré sa cuti avec un incroyable culot. Il est bien clair que, pour la plupart de ces nouveaux adeptes, la croissance n’est pas en cause, pourvu qu’elle soit verte. Est-ce tenable ? Bien sûr, affirme Nicolas Sarkozy dans son style inimitable. «Nous n’avons pas à choisir entre l’écologie et l’économie. Nous n’avons pas à choisir entre la justice et la prospérité. Nous avons à trouver les chemins qui conduisent à une croissance plus juste car ses fruits seront équitablement répartis, plus sobre en carbone et véritablement durable, qui non seulement respectera les hommes et l’environnement, mais se nourrira de la dynamique de l’innovation et des technologies vertes.» «C’est non seulement possible mais essentiel, confirme Peter White, le directeur « Développement durable » de Procter & Gamble. Pour P&G, le développement durable doit assurer à chacun une meilleure qualité de vie, maintenant et pour les générations futures. La croissance est une condition pour y parvenir, tout comme l’innovation.» D’ailleurs, une des marques du groupe P&G, les piles Duracell, s’est engagée pour trois ans auprès de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’Homme, c’est vous dire. Arnaud Mulliez, le PDG des hypermarchés Auchan, s’adresse en ces termes à ses actionnaires : «Non, le développement durable dans son chapitre environnemental n’est pas en contradiction avec la performance des entreprises. Il en est même un levier. L’économie « verte » est une opportunité de croissance des années à venir. De nouveaux marchés s’ouvrent à nous. Nous sommes prêts.» Enfin, le Guide du développement durable (Eyrolles, 2009) note que, «levier de performance, le développement durable contribue largement à améliorer l’efficacité économique et financière des entreprises» On peut trouver d’autres citations du même calibre dans le « bêtisier du développement durable » sur le site http://www.decroissance.org/…

L’alliance emploi-environnement ne va pas de soi. Cette «formule qui gagne» est trop lisse, trop consensuelle pour être tout à fait honnête.

Envisagée sous un certain angle, la prise de conscience écologique semble parfaitement soluble dans le capitalisme. Plus : elle serait même la condition de sa survie. Inévitablement, des questions se posent. Environnementales : cette relance verte est-elle à la hauteur de l’enjeu climatique ? Est-elle susceptible de diminuer l’empreinte écologique de la société, c’est-à-dire son impact sur les capacités des ressources naturelles de se régénérer au bénéfice des générations futures ? Par exemple, le nouvel engouement pour la «voiture verte» ne va-t-il pas plutôt encourager l’exode urbain avec toutes les conséquences, notamment environnementales, de la dispersion de l’habitat ? Et sociales : quel effet ces nouvelles impulsions ont-elles sur la redistribution des richesses ? Par exemple, les mesures concrètes d’encouragement à la consommation responsable profiteront-elles à ceux qui n’ont pas accès au crédit bancaire ? L’alliance emploi-environnement ne va pas de soi. Cette «formule qui gagne» est trop lisse, trop consensuelle pour être tout à fait honnête. Les mesures de relance productivistes qui furent au cœur du New Deal de 1933 sont incompatibles avec la lutte contre le réchauffement climatique. L’emploi vert ne remplacera probablement pas totalement l’emploi industriel de filières condamnées à terme tandis que la reconversion a des limites techniques. Et si on reparlait de la réduction du temps de travail ? 20 novembre 2009capitalisme vert, développement durable