Politique
L’illusion francophone
17.11.2010
Et puisqu’on n’échappe pas à la question de l’identité, nous affirmons que l’espace francophone recouvre en réalité deux identités politiques distinctes à base territoriale : Bruxelles et la Wallonie. Entre elles, il y a lieu de s’interroger sur ce principe intouchable de la « solidarité Wallonie-Bruxelles » qui mobilise on ne sait quelle identité ethnique commune, comme si, dans ce pays d’immigration, il pouvait exister un « peuple francophone ». Entre Wallons et Bruxellois, il y a évidemment des liens culturels, des solidarités démocratiques et des solidarités sociales. Mais elles ne sont pas exclusives et elles ne lient pas forcément tous les Wallons et tous les Bruxellois. Il est urgent que les acteurs politiques et sociaux se préoccupent – certains le font – de construire des convergences basées sur des projets de société, à l’intérieur de l’espace « Belgique » et au-delà, puisque l’Europe est notre horizon commun. Les « francophones » feraient bien d’être clairs sur cette question au lieu de courir systématiquement le lièvre régional et le lièvre communautaire à la fois. La gauche s’est toujours identifiée à la défense et à l’approfondissement de l’État social. Elle a rêvé que l’Europe puisse être un État social au carré s’appuyant sur une solidarité élargie. A l’opposé, le nationalisme flamand – qui n’est pas toute la Flandre – se revendique d’une conception particulièrement rance de l’identité nationale. Dans le contexte d’un démembrement de l’État fédéral, ce nationalisme s’est fait l’instrument de l’affaiblissement de l’État social, d’abord au détriment des populations des régions belges les plus pauvres, ensuite au détriment de sa propre population. Nous sommes donc preneurs de toutes les solidarités, de toutes les coalitions susceptibles de s’opposer à cet affaiblissement. Oui à une autonomie régionale accrue, dont les Wallons et les Bruxellois de toutes cultures ont autant besoin que les Flamands, pour autant que les principes de base de la solidarité interpersonnelle soient préservés. En opposant par pétition de principe les « francophones » aux Flamands posés comme deux groupes rivaux irréductibles, on ne fait que rendre les enjeux de la réforme de l’État encore plus incompréhensibles qu’ils ne le sont déjà.