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Le retour de la gauche radicale (présentation)

Elle faisait invariablement partie du paysage politique dont elle enjolivait la marge gauche. À la limite du folklore. De petits groupes composés de militants désintéressés qui vendaient leur presse austère dans toutes les manifestations protestataires. Car il en faut de la conviction pour prêcher dans le désert. Depuis la débandade des partis communistes historiques, rares sont les pays où on pouvait dénombrer des forces significatives à la gauche des partis sociaux-démocrates et de formations écologistes désormais assagies. La « gauche de la gauche » – qu’on la nomme « extrême gauche » ou « gauche radicale », termes qui ne sont pas forcément équivalents – semblait confinée à l’impuissance.

Une gauche… simplement de gauche. Qui ne craint pas le bras de fer avec le monde de la finance, au lieu de chercher perpétuellement des accommodements avec lui.

Mais le vent tourne. Depuis qu’en 2009 celui de la crise financière s’est mis à souffler sur l’Europe, l’incapacité des politiques de la « gauche réaliste » à encore corriger marginalement les méfaits du néolibéralisme est aveuglant. France, Espagne, Portugal, Grèce, Italie… : qu’attendre encore des représentants politiques labélisés d’une gauche complètement intégrée au « système » ? Malheureusement, faute d’alternative crédible, ce sont l’abstention et le populisme qui tirent profit de ce désamour et du désaveu électoral sur lequel il débouche à tous les coups. À moins que quelques pièces ne bougent dans le dispositif. Par exemple, qu’au sein des grands partis progressistes, on prenne conscience de l’impasse dans laquelle on s’est enferré en se soumettant aux diktats de la nouvelle gouvernance européenne. Malheureusement, on n’en prend nulle part le chemin. Alors, beaucoup se tournent vers « la marge »… qui l’est de moins en moins. Car un peu partout en Europe – et donc également en Belgique – une gauche radicale émerge, qui n’a plus rien à voir avec les anciens « groupuscules » : France, Espagne, Portugal, Grèce… et aussi Pays-Bas, Danemark, Belgique… Une gauche qui retrouve l’ancrage social qui lui manquait, y compris au sein du monde syndical. Une gauche « révolutionnaire » ? Pas vraiment. Plus attachée à défendre la démocratie, contre le pouvoir des bureaucraties non élues, qu’à préparer le « Grand soir » de la grève générale insurrectionnelle. Plus soucieuse de défendre l’État social et les services publics que de prôner l’autogestion généralisée. Plus intéressée à promouvoir une fiscalité juste qu’à exproprier les capitalistes. Bref, une gauche… simplement de gauche. Qui ne craint pas le bras de fer avec le monde de la finance, au lieu de chercher perpétuellement des accommodements avec lui. Gauche radicale, gauche modérée : la première n’arrivera sans doute jamais à supplanter la seconde à l’aune du suffrage universel, à tout le moins dans les pays de l’Europe du Nord où, contrairement à ce qu’affirmait le Manifeste communiste, les « prolétaires » ont beaucoup plus à perdre que leurs chaînes. Mais elle peut espérer la féconder. Dès lors, peut-on rêver d’une « dialectique positive » entre les deux ? Car c’est bien toute la gauche qui doit retrouver sa force d’impact et sa capacité transformatrice, sous peine d’un échec de plus. Pour comprendre la manière dont l’alternative se pose aujourd’hui au sein de la gauche, Hugues Le Paige actualise le vieux dilemme « réforme ou révolution ». Mais attention, nous dit Edgar Szoc : aujourd’hui, la radicalité ne se mesure plus sur un seul curseur, ce qui complique la donne. Survol européen par Philippe Marlière, suivi de quelques coups de projecteurs sur la Grèce (Gerassimos Moschonas), l’Italie (Hugues Le Paige), le Portugal (André Freire) et l’Allemagne (Willy Estersohn). Et bien sûr la Belgique, par Julien Dohet et Jean Faniel, avec un regard oblique d’Irène Kaufer sur la place des femmes. Puis des échanges, sous forme épistolaire, sur l’utilité d’une gauche radicale entre Catherine Moureaux et David Pestieau, Pierre Eyben et Zoé Genot Ces échanges se prolongeront en direct lors d’un débat à Bruxelles le 21 octobre dans le cadre du Festival des Libertés… Enfin, on abordera la question controversée du PTB : constitue-t- il plutôt un atout ou plutôt un problème ? Cadrage du débat par Henri Goldman, puis deux avis opposés de Daniel Zamora et Luca Ciccia. Ce Thème a été coordonné par Henri Goldman.