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La Belgique en guerre (présentation)

Il existe plusieurs façons pour un État moderne d’exister sur la scène internationale : le politique (diplomatie), l’économique (commerce extérieur et coopération au développement) et le militaire. En Belgique, personne ne sait que faire de cet outil militaire. Ni les partis politiques au pouvoir, ni la société civile n’ont de véritable projet à son égard. Pourtant, c’est souvent ce dernier qui attire les regards et polarise les positions.

Ce qui manque à la Belgique, ce n’est pas de la taille, c’est un projet et une volonté.

Quelle est notre perception du rôle de la Belgique dans le système des relations internationales et, plus particulièrement, de l’utilisation qu’il a ou devrait avoir de son outil militaire et de son implication dans les derniers conflits armés ? Ce « thème » ouvre le débat sans le trancher. Il inventorie la diversité des positionnements des gauches, les questionne et esquisse des pistes de réflexion. Ce questionnement n’est pas si fréquent. Ce relatif désintérêt trouve probablement sa source dans l’impression que la politique étrangère de la Belgique et, a fortiori, sa politique militaire se sont diluées dans celle de l’Union européenne ou, le cas échéant, de l’Otan. Nos gouvernements successifs donnent l’impression d’avoir abandonné toute velléité d’une politique étrangère autonome. Avoir une parole distincte serait presque un crime de lèse-majesté à l’égard des institutions internationales dont nous sommes membres et que nous avons tout de même, comme État souverain, la possibilité d’influencer. Pourtant, le discours fataliste selon lequel de petits pays comme la Belgique n’ont pas leur place dans la cour des grands ne tient pas la route. Ce qui manque à la Belgique, ce n’est pas de la taille, c’est un projet et une volonté. D’autres pays européens d’une grandeur similaire ont ainsi trouvé leur place dans des « niches diplomatiques ». Ainsi, la Norvège s’est taillé une image de médiateur dans les conflits les plus difficiles. Ainsi, la Suisse joue un rôle très particulier sur la scène internationale en assurant un rôle d’intermédiaire entre des pays ayant rompu leurs relations diplomatiques ou dans la défense du droit humanitaire international. Le désintérêt de l’opinion publique, palpable dans le dossier syrien, s’alimente du sentiment d’impuissance. La décision de se passer de l’aval du Conseil de sécurité pour intervenir au Kosovo, les mensonges de Georges W. Bush pour légitimer son intervention en Irak, les ambigüités du mandat qui a permis l’intervention en Libye laissent un goût amer. Pourtant, l’irruption dans le champ des relations internationales de la question des droits humains devrait permettre que les possibles interventions extérieures dans des conflits armés soient discutées de façon moins cynique. Est-ce un vœu pieux ? Barbara Delcourt, André Flahaut et Pascal Fenaux prendront position dans les débats qui ont émaillé les dernières interventions militaires de la Belgique. Étaient-elles légitimes ou non ? Chacun-e avec sa sensibilité, que ce soit les droits de l’Homme, l’importance du respect de la souveraineté ou du droit international, apportera un éclairage personnel sur les interventions au Kosovo, en Afghanistan ou en Libye. Georges Spriet reviendra sur les différents positionnements du pacifisme en Belgique, insistant sur les racines différentes des pacifismes flamands et francophones et sur leur étonnante ressemblance actuelle. Henri Goldman dénoncera ce qu’il appelle le « campisme », cette propension qui déchire la gauche à aborder les conflits armés internationaux avec l’obligation de « choisir son camp ». Christophe Wasinski montrera que les intérêts économiques en jeu dans les interventions militaires ne sont pas exactement où on les place. Nicolas Bossut insistera sur les perspectives du pacifisme. Est-il possible de tempérer la loi du plus fort et de construire, pierre par pierre, un système international plus juste ? La conclusion à Éric David, qui aura lu pour se livrer à cet exercice tous les articles du dossier. On lui devra la tentative d’articuler au plus juste l’exigence de respect du droit avec les valeurs de la morale universelle. Ce Thème a été coordonné par Nicolas Bossut (Pax Christi).