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Inventaire et alternatives (introduction)

<doc233|right>Au cœur de la question sociale, la fiscalité est reléguée dans les marges du débat public belge. Trop techniques, rébarbatifs, incompréhensibles, les détails – où comme toujours, se cache le diable – du code d’imposition sont aussi méconnus que peu discutés. Alors que la France frémit encore des ondes de choc provoquées par les propositions de Pour une révolution fiscale de Landais, Saez et Piketty Le Seuil/République des idées, 2011. (www.revolution-fiscale.fr).., que la campagne américaine se jouera en partie sur la « billionaire tax », l’impôt reste, chez nous, étrangement absent des débats. L’hypothèse explicative qu’apportent nombre des contributeurs du présent dossier réside dans la construction aussi systématique que délibérée de l’ignorance sur le sujet. Rarement, l’adage « Pour vivre heureux, vivons cachés » n’a paru aussi pertinent que pour décrire l’organisation de la fiscalité belge – et en particulier du côté des grosses fortunes. Si ce seul dossier n’aura évidemment pas pour effet de jeter de la lumière sur ce que les dispositions légales ont comme objectif implicite d’occulter, ses auteurs entendent néanmoins contribuer à remettre le sujet en place plus visible dans l’agenda public. À l’heure où la Belgique s’apprête à ratifier, les yeux endormis, un traité budgétaire qui réduira considérablement les possibilités effectives de creuser des déficits publics temporaires, la question de la source et de la hauteur des recettes fiscales devient en effet plus cruciale que jamais. Frédéric Panier nous propose un détour américain qui illustre par contraste l’indigence de l’appareil statistique belge en matière fiscale et, partant, la difficulté de revendications effectives face à un système dont les effets ne sont que trop rarement quantifiés. Comment en effet lutter pour modifier un système dont la méconnaissance est organisée ?

« Trop techniques, rébarbatifs, incompréhensibles, les détails – où comme toujours, se cache le diable – du code d’imposition sont aussi méconnus que peu discutés. »

Lionel Van Leeuw montre ensuite à quel point est historiquement peu fondée l’idée selon laquelle une taxation élevée des plus hauts revenus découragerait l’initiative et l’activité économique. Il montre en revanche à quel point est robuste le lien entre progressivité fiscale et réduction des inégalités. Edoardo Traversa entreprend un survol du dernier accord de gouvernement du point de vue des réformes fiscales qui y sont proposées, pour regretter à la fois son manque d’ampleur et de cohérence. Même en cas de crise, c’est la logique du lotissement et des chasses gardées autour d’intérêts catégoriels qui semble continuer à prévaloir. Marco Van Hees illustre de façon aussi concrète que saisissante le double visage de la Belgique fiscale : paradis pour les détenteurs de capitaux, enfer pour ceux qui ne peuvent compter que sur les revenus de leur travail. Edgar Szoc entreprend un plaidoyer en faveur de la fiscalité environnementale, notoirement peu élevée en Belgique, et démonte les arguments selon lesquels ce type d’imposition serait nécessairement inégalitaire et/ou autodestructeur. C’est au compte rendu presque ethnographique d’une observation participante au sein du DES en gestion fiscale de la Solvay Business School, que nous convie ensuite Mohssin Shah. S’en dégagent les us, coutumes et routines de pensée de la tribu des fiscalistes, mais surtout leur impact socio-économique. Enfin, Daniel Puissant, secrétaire général du Réseau pour la Justice fiscale répond à nos questions sur la spécificité de l’action militante en matière fiscale et la difficulté de porter une parole progressiste en la matière. Trop techniques, rébarbatifs, incompréhensibles, les détails – où comme toujours, se cache le diable – du code d’imposition sont aussi méconnus que peu discutés. Ce Thème a été coordonné par Mathias El Berhoumi, Frédéric Panier et Edgar Szoc.