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Encore PISA

Pourquoi revenir sur cette fameuse enquête PISA qui classe les pays (et/ou communautés) en matière d’enseignement? Sur base de moyennes très discutables. Et qui classe la Communauté française parmi les cancres… Parce que les nombreux commentaires et les rares débats télévisés ont oublié quelques «nuances» pourtant essentielles à mes yeux. Ce qui ne doit pourtant pas nous empêcher de saluer quelques avancées dans les analyses. D’abord — et c’est capital — (presque) tout le monde semble d’accord aujourd’hui pour dire que le cœur du problème en Communauté française, c’est l’écart «abyssal» expression très adéquate empruntée à D. Lafontaine (ULg), responsable pour la Communauté Française de l’enquête PISA entre les écoles «fortes» et les écoles «faibles» (on parle trop souvent d’élèves «forts» et d’élèves «faibles»: ce n’est pas la même chose!. Rassurez-vous, bonnes gens, la Communauté continue à sélectionner des «élites». Autre motif de satisfaction: le quasi-consensus sur la priorité à donner aux premières années de la scolarité. Les deux premières années du primaire auxquelles certains ajoutent, à très juste titre, les classes de maternelles. Et chacun d’applaudir au credo du contrat stratégique: «maximum 20 élèves par classe partout». Voilà qui commence à m’inquiéter: on retombe dans les moyennes réductrices de la complexité et de la diversité des situations. Mais revenons à l’écart «abyssal». Veut-on vraiment le réduire? Alors il faut absolument prendre en compte deux facteurs trop peu évoqués dans les analyses et débats. Primo: 20 élèves à Saint-Josse ou Quaregnon, ce n’est pas du tout la même réalité que 20 élèves à Stockel ou Loverval. On ne le répètera jamais assez. Donc il faut fixer le maximum à 15 élèves — dès demain — dans les quartiers défavorisés et accepter 25 élèves dans des écoles où la culture des familles est (assez) proche de celle des écoles. Secundo — et là c’est le silence — le nombre d’élèves est sans doute une condition nécessaire… mais loin d’être suffisante! Car il y a des classes avec le même nombre d’enfants appartenant au même milieu qui donnent des résultats très différents. Pourquoi? Pour deux raisons majeures: l’institution est organisée pour favoriser le travail en équipes (et les équipes sont stables), une remédiation sérieuse (et c’est rare), un travail coopératif avec les parents et les partenaires du quartier (ça demande beaucoup de temps), la formation continuée des enseignants… La seconde raison tient justement aux enseignants, certes de bonne volonté, mais peu (pas) préparés à rencontrer des enfants et des familles étrangers à la culture de l’école. Ces enseignants étant eux-mêmes étrangers aux valeurs, aux richesses culturelles, aux difficultés économiques et sociales de ces familles. On sous-estime l’énorme travail individuel et collectif que ces situations requièrent pour arriver à réduire ce fameux écart. Et donc les moyens à y consacrer entre autres en formations continuées. C’est beaucoup plus compliqué que les slogans des uns ou des autres: «revenir aux fondamentaux: lire, écrire, calculer» ou «restaurer l’emploi des manuels scolaires». ces recettes miracle peuvent séduire une certaine opinion publique ou quelque lobby, mais elles restent très générales, du même ordre que les moyennes et peu susceptibles de faire porter les moyens et les actions sur les noyaux les plus durs du problème. Veut-on vraiment le réduire cet écart abyssal?